Lot n° 215

MALLARMÉ (Stéphane). À celle qui est tranquille [L'Angoisse]. Sans lieu ni date [1866]. Manuscrit autographe, 1 page in-4 : maroquin vert de Devauchelle. ►Précieux manuscrit autographe d'un sonnet paru dans le PARNASSE CONTEMPORAIN en...

Estimation : 20 000 - 25 000 €
Adjudication : 23 184 €
Description
1866.

Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, O bête
En qui vont les péchés d'un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l' incurable ennui que verse mon baiser.

Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts.

Car le vice, rongeant ma native noblesse,
M'a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité

Pas un coeur que la dent d'aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.

À l'origine, le sonnet s'intitulait :
À une putain. Il parut sous le titre de À celle qui est tranquille dans Le Parnasse contemporain en 1866, avant d'adopter le titre définitif de L'Angoisse.
Ce dernier devait à l'origine couronner l'ensemble des poèmes du Parnasse contemporain.

“Cette variation sur le thème baudelairien de la femme-Léthé, médiatrice du néant, propose, après l'enfouissement chtonien de “Renouveau”, une autre rêverie d'enfouissement : à la prostituée, soeur du poète par sa stérilité, à celle qui a le privilège d'être tranquille parce que cet animal féminin n'a pas d'âme et se trouve ainsi à l'abri de l'ennui et du remords, le poète [...] ne demande pas le plaisir mais le lourd sommeil sans songes, image de ce Néant où l'on ne pense pas” (Bertrand Marchal, in Mallarmé, Œuvres complètes I, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1155).

La marque au crayon rouge indique qu'il s'agit du manuscrit utilisé pour l'impression.

▬Provenance : Jacques Guérin (V, 1988, nº 79).

(Graham, Passages d'encre, nº 86.)
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