Lot n° 123

CÉLINE (Louis-Ferdinand). Lettre adressée à Albert Naud. Copenhague, 18 juin 1947. Lettre autographe signée ; 4 pages in-folio. L'antisémitisme dénoncé comme “farce abjecte” : un reniement de façade. “Si la justice française et le...

Estimation : 4 000 - 6 000 €
Adjudication : Invendu
Description
Quai d'Orsay se décidaient à faire dire à Charbonnière ici de ne plus s'occuper de moi, les Danois m'accorderaient aussitôt le refuge politique. Voici en somme le bilan de la situation - net - Comment obtenir cette faveur du Quai d'Orsay Là je ne puis que rêvasser...”

Ministre plénipotentiaire de la légation française au Danemark à qui on avait signalé la présence illégale de Céline à Copenhague, M. de Charbonnière avait demandé au gouvernement danois d'arrêter l'écrivain, ce qui fut fait. Il s'employa ensuite à en demander l'extradition. La bataille juridique qui s'engagea alors tournait autour des charges retenues : trahison, intelligence avec l'ennemi, antisémitisme. Céline organisa sa défense : ancien combattant de 14, il n'aurait jamais trahi son pays et n'aurait jamais collaboré avec les Allemands que, du reste, il ne fréquentait pas. Restait la question de l'antisémitisme. Dès 1947, Céline proposa une prétendue réconciliation avec les juifs, mais dans le cadre d'un autre racisme, le péril contre la civilisation se déplaçant selon lui vers les menaces “noires” et “jaunes” : comme le résume Philippe Alméras, le Juif est désormais “habillé en Chinois”. La réconciliation n'était qu'un artifice de défense.

“Il me semble qu' il serait peut-être adroit de leur faire entendre que je suis le seul antisémite traqué pour son antisémitisme qui puisse vraiment être actuellement utile aux juifs... Ceux-ci sont loin d' être populaires, on les déteste autant et plus qu'avant Hitler... un peu partout... or je me suis persuadé par l'expérience hélas que l'antisémitisme ne menait à rien et qu'au surplus il n'avait plus aucune raison d' être. Je peux le dire officiellement [...] lorsqu'on voudra, en toute sincérité, non par lâcheté [...] calcul mais tout simplement pour que personne ne tombe plus dans ce piège.
L'antisémitisme est une provocation politique ou policière. Malheur au sincère qui s'y mouille! C'est une farce abjecte.
Je ne pardonnerai jamais aux Allemands d'avoir dressé ce panneau électoral en parfaite connaissance de l'escroquerie qu' ils commettaient. J'en ai long à raconter sur ce sujet, vous pouvez le croire! Aller prôner le juif n'est pas dans mes cordes mais dénoncer l'antisémitisme comme duperie c'est autre chose... Au surplus il y a autant de juifs banquiers à New York que de juifs commissaires du Peuple à Moscou! Soyez gentils ne donnez plus dans la course. Ce qui se passe ne nous regarde plus sur le plan «racisme» tout au moins. Le juif lui-même est entièrement débordé, noyé par le noir, le jaune, le métis, (ou à la veille de l' être) et les frénésies matérialistes... Non, comme cette passion est périmée, cela ne veut plus rien dire. Voilà ce qu' il me paraît. Il s'agirait de s'adresser à quelques juifs intelligents, non abrutis de haine pratique. La manoeuvre est délicate [...]. Je voudrais bien à tout prix que cela ne recommence pas. Que d'autres, les jeunes ne recommencent jamais les mêmes folies.”
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