Lot n° 40

STEINLEN (Renée Germaine dite Colette). Correspondance adressée à Roger Désormière. [1931-1951]. Ensemble d'environ 200 lettres autographes signées «P.M.», «Jos», «Colette» ou «vieille Colette», adressées à son futur mari, son «cher...

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : Invendu
Description
Coq», «vieux Coq», «très cher z'oiseau», «cher petit Déso», dont quelques cartes, certaines incomplètes.


Importante correspondance amoureuse entre Colette Steinlen et Roger Désormière, son second mari (elle l'avait épousé en 1942, après plus de 20 ans de concubinage), entretenue durant les nombreux déplacements professionnels de ce dernier, son service militaire et ses fréquents voyages européens.

Riche ensemble offrant une mine d'informations sur le domaine de la musique classique du milieu du XXe siècle, dans lequel ont retrouve Darius Milhaud, Henri Sauguet, Rickel Jachine, Désiré-Émile Inghelbrecht et son épouse Germaine Perrin, «Zélie», le compositeur Fernand Lamy (1881-1966), le mécène et directeur de scènes musicales Gabriel Dusurget (1904-1996), Louis Jouvet (1887-1951) acteur et metteur en scène, etc.

Leurs amis & la musique:

Les compositeurs Georges Auric, Darius Milhaud et Henri Sauguet: «Je pense à vos répétitions à votre concert ce soir. J'espère que vous serez content. Puisque vous ne serez pas là pour le concert d'Igor, vous feriez peut-être bien de rester à Rome un ou deux jours de plus pour votre plaisir. [...] Milhaud m'a téléphoné et j'ai promis de venir dîner avec eux demain. Il paraît que Sauguet n'est pas bien disposé ces jours. Embêtement avec son matériel de divertissement. Collaer lui a écrit qu' il ne pouvait pas se charger de le faire copier, qu' il allait lui renvoyer la partition.» (Vendredi 13 nov. [19]31).

«Darius va tout à fait mieux aujourd' hui. Il a eu surtout une violente crise de névralgies faciales dissipées maintenant. L' histoire de la brûlure n' était rien mais elle a provoqué les névralgies. Je vais lui faire une petite visite tout à l' heure.» (Jeudi 14 août [19]32).

«Auric de passage à Paris m'a téléphoné, je lui ai raconté vos déboires et nous nous sommes lamentés ensemble. Dans la soirée je suis passée chez Darius avant d'aller dîner en famille (Inghel, Germaine, Biche, Rickel) [...] c' était une vraie réunion autour de Darius assis dans son fauteuil au salon enfoui sous les plaids. Auric qui avait des nouvelles plus récentes que celles que m'avait donné votre lettre». (Mardi 16 janvier [19]34).

Désiré-Émile Inghelbrecht, son premier mari: «Pauvre Inghel est dans un état de nervosité épouvantable [...] je me demande comment son orchestre a pu travailler avec un chef aussi gesticulant et agité, pourtant Pelléas était très beau, mais il ne fallait ni écouter ni regarder Inghel c' était affreusement angoissant». (Vendredi 19 janvier [19]34).

«Le concert d'Inghel était tout à fait bien, des auditions de cette qualité doivent le servir énormément et cela m'a fait doublement plaisir, pour la musique que j'ai entendue et pour lui.

Il est chargé de constituer un orchestre mais sa situation n'est pas encore définie [...]. Nous avons eu des fragments de la Belle Hélène, des Huguenots, de l'Arlésienne et encore pour le genre concert

Le Chasseur maudit. Feart a bien chanté, Cathla moins bien qu'aux répétitions, nous étions dans une avant scène et j'avais le coeur serré de voir à quel point sa musique tremblait dans ses mains.» (Mardi 22 janvier [19]34).

Paul Collaer (1891-1989), pianiste et chef d'orchestre belge: «Vous devez savoir maintenant l' histoire de Furtwangler à l'Opéra. Je n'ai guère eu envie de m'appuyer Lohengrin dirigé par Fourestier. Ce soir je vais aux ballets avec Biche et demain c'est le concert Collaert [sic] je n'ai reçu aucunes places, mais les Collaert arrivent aujourd' hui et je vais me débrouiller. [...] J'attends encore de vos nouvelles sans doute me direz-vous l' heure de diffusion et la longueur d'ondes de votre concert B.B.C. (Mercredi 21 mai [19]47).

Fernand Lamy (1881-1966) compositeur et chef d'orchestre, directeur du festival Grieg: «J'ai déjeuné chez les Lamy lundi. Je suis passée ensuite embrasser Darius qui, de retour, m'avait téléphoné, il était rayonnant et n'avait pas tellement mauvaise mine - très pâle mais moins soufflé, vraiment beau et gentil. Le soir je suis allée (?) au concert de Frantz André [1893-1975, violoniste et chef d'orchestre belge] - une indigestion de musique belge - et le concerto pour piano d'Hindemith auquel je ne pige pas grand chose. [...] Une bonne nouvelle pour Lamy, son Platée marche à Bruxelles. J'ai promis de m'y rendre à cette occasion. [...] j'ai emprunté 30.000 balles à Lamy». (Mercredi 13 janvier [19]48).

«Hier au soir c' était Lohengrin ça bardait. J'ai mis du coton dans mes oreilles et me suis réfugiée dans ma chambre - désespoir de Fernand [Lamy] qui n'aime pas être seul même pour écouter Wagner à plein seaux». (Sans date, «Jouy, 22 août»).

Léonide Massine et Igor Markevitch: «Igor travaille, il finit le ballet n° I. En fin de compte la musique qu' il a écrit pour le petit ballet de Massine n'a pas été employée malgré l'enregistrement. Tout le monde l'a trouvée horrible et on a supprimé ballet et musique. On en fera sans doute un disque. C'est une grande preuve de confiance de la part d'Igor de m'avoir raconté la chose dans toute sa vérité et il faut garder le secret car il ne présente pas les choses tout à fait ainsi aux «petits camarades» pour qu' ils n'aient pas à se réjouir d'un échec et le proclamer partout. [...] Il ressort que Massine et Igor on travaillé sans s' inquiéter le moins du monde de l'ensemble dans lequel devait s' insérer leur ballet et que vraiment ça ne collait pas. Igor le reconnaît.» (Petit Port, mardi 15 sept. [1932]).

La Guerre: «Il est passé ici énormément d' infirmiers j'en ai interrogé quelques uns. En général ils sont affirmatifs pour dire que tous les hôpitaux de Paris sont évacués, mais l'un d'eux dit d'un ton très certain que le Val de Grâce avait été évacué samedi. Je n'ose plus croire les autres et mon angoisse ne se dissipe pas. Nous n'avons ici qu'une très mauvaise radio a part les communiqués officiels nous ne savons absolument rien de certain [...]. Il y a Gide à Vichy qui se promène en lisant les conversations de Goethe et d'Eckermann. C'est une vieille dame de ses amies que Rickel connait par Janin qui a raconté cela [...] des bruits de capitulation circulaient et circulent encore. [...]

Hier au soir sont arrivés dans un gros camion découverts et trempés de pluie Alfred, Magna et Zizi - ils avaient réussis à aller la chercher à Joigny - qu' ils ont quitté presque avant l'arrivée des Allemands. Cinq jours de route dans des conditions épouvantables». (Cusset, Dimanche soir 17 juin et 18 juin [1940]).

L'Amour: «Une autre fois, quand vous vous séparerez de moi pour courir le monde vous me ferez un plan approximatif de votre voyage et je parsèmerai la région de petites lettres poste restante ce qui fait qu' à votre gré vous pourrez aller les chercher si le coeur vous en dit. Je vous aime aussi beaucoup beaucoup, naturellement notre vie serait autrement agréable s' il n'y avait pas cette terrible raison que j'ai de vous porter sur le système (pour parler grossièrement) mais j'espère toujours que vous finirez pas vous arranger une petite vie de ce côté quoique ce ne soit guère facile trop attachés l'un à l'autre pour pouvoir profiter vraiment de la liberté que nous nous accordons. Pour moi, je suis presque une vieille dame et j'ai renoncé à tout. [...] J'ai ma sale gueule que je vois chaque matin dans la glace et qui est un bon frein aux débordements de l' imagination.» (Petit Port, 22 septembre [19]32).

Quelques lettres incomplètes; rares déchirures.
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