Lot n° 361

FLAUBERT, Gustave. L’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme. Paris, Michel Lévy frères, 1870.

Estimation : 10 000 / 15 000 €
Adjudication : 24 437 €
Description
2 volumes in-8 (232 x 150 mm) de (2) ff., 427 pp. ; (2) ff., 331 pp. : cartonnages recouverts de soie verte portant les initiales J.T. en lettre dorées sur les plats supérieurs (reliure de l’époque).

Édition originale.

La réception critique fut quasi unanime pour fustiger ce qui deviendra le modèle absolu du roman “moderne”. Seuls Banville, Zola et George Sand défendirent Flaubert. Le livre se vendit très mal : le tirage des 3 000 exemplaires n’était toujours pas épuisé en 1873. D’où la rareté des exemplaires en reliures strictement d’époque. (Bibliothèque nationale, En français dans le texte, 1990, nº 277.)

Exemplaire de Jeanne de Tourbey, comtesse de Loynes (1837-1908), égérie du Paris littéraire et mondain sous le Second Empire et la Troisième République, protectrice de Gustave Flaubert, qui en tomba éperdument amoureux en 1858 et lui écrivit des lettres enflammées.

L’envoi occupe le recto de la première garde du tome I :
à Me J. De Tourbey
Gve Flaubert
offre ce livre et voudrait bien
s’offrir lui-même !

Née Marie-Anne Detourbay, cette demi-mondaine dut son ascension sociale à la bienveillance d’Alexandre Dumas fils, à la protection de Sainte-Beuve et au prestigieux contingent d’amants lettrés ou fortunés parmi lesquels se distinguent le diplomate ottoman Khalil Bey –
commanditaire de L’Origine du monde de Gustave Courbet –, Jules Lemaître et Ernest Baroche, fils d’un ministre de Napoléon III, qu’elle épousa et dont elle hérita de l’immense fortune en 1870. Deux ans plus tard, elle épousa Victor Edgar, comte de Loynes.
Flaubert fit connaissance de la “dame aux violettes” à l’époque où il fréquentait Mme Sabatier.
Il dîna avec elle à plusieurs reprises au cours des années 1860, le plus souvent en compagnie des Goncourt ou de Gautier. (La princesse Mathilde eut d’ailleurs l’occasion de lui reprocher, en 1868, cette compromettante fréquentation.) Il la rencontra encore en 1872, lors de ses rares sorties de Croisset, accompagné de Gautier et de Tourguéniev notamment.

Envoi très émouvant : offrir à une ancienne passion L’Éducation sentimentale – le plus autobiographique de ses romans, et le tableau de toute une génération – est bien plus qu’un symbole. En cette terrible année 1870 au cours de laquelle il subit l’entrée des Prussiens dans sa retraite de Croisset, l’écrivain prend congé de sa jeunesse en risquant une dernière fois, avec une pointe d’ironie, son coeur sur la page.
Ce précieux exemplaire est demeuré inconnu des bibliographes ; il n’est pas
mentionné dans la correspondance.

Dos et bords des plats passés ; la soie est effilochée par endroits
et présente quelques manques. Le dos originel a été remonté
sur un dos moderne.
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