Lot n° 359

[FLAUBERT]. GONCOURT, Edmond & Jules de. Germinie Lacerteux. Paris, Charpentier, 1864.

Estimation : 10 000 / 15 000 €
Adjudication : Invendu
Description
In-12 (176 x 110 mm) de VIII, 279 pp. : demi-veau noir, dos à nerfs fileté or, pièces de titre de maroquin vert, tranches marbrées (reliure de l’époque).

Édition originale.

Premier roman naturaliste revendiqué comme tel par ses deux auteurs, Germinie Lacerteux fut accueillie fraîchement à sa parution en janvier 1865. La princesse Mathilde écrivit même aux auteurs que Germinie l’a “fait vomir”… Le tableau de la vie misérable et de la déchéance de Germinie Lacerteux, double de Rose Malingre, la propre servante des frères Goncourt, d’un réalisme noir, fut salué par Flaubert. Le 5 février, il écrivit à sa nièce Caroline : “Le livre des Bichons excite un dégoût universel, dont ils paraissent être très fiers – en quoi je les approuve.”

Germinie Lacerteux occupe une place marquante dans l’histoire littéraire par sa préface où les Goncourt revendiquent le droit de tout dire, au nom de la modernité : ils assignent au romancier une tâche scientifique et réclament pour les “basses classes” le droit d’entrer dans les Lettres, après Les Misérables et Les Mystères de Paris.

Précieux exemplaire de Gustave Flaubert, portant cet envoi autographe signé
sur le faux titre :
à Gustave Flaubert
le 1er exemplaire
de ses amis
Edmond et Jules

Dans les premiers jours de janvier 1865, les Goncourt écrivaient à Flaubert : “Nous ne voulons pas laisser passer la semaine sans vous la souhaiter bonne en copie et en tout. Notre roman paraît le 15.
Le premier exemplaire mis à la poste sera pour vous.” Flaubert leur répondit aussitôt : “Envoyez moi cette Virginie Lacerteux, impatiemment attendue. Je la lirai avec appétit.”
Il leur écrit à nouveau le 16 janvier : “Mes très chers, Je n’ai eu votre volume que hier au soir, seulement – Entamé à 10 h ½ il était fini à 3. Je n’ai pas fermé l’oeil, après cette lecture. Et j’ai mal à l’estomac. Vous serez cause de nombreuses gastrites ! Quel épouvantable bouquin ! Si je n’étais pas très souffrant aujourd’hui, je vous écrirais longuement pour vous dire tout ce que je pense de Germinie. Laquelle m’excite (page 52-53). Cela est fort, roide, dramatique, pathétique et empoignant. Champfleury est dépassé, je crois ? Ce que j’admire le plus dans votre ouvrage, c’est la gradation des effets, la progression psychologique. Cela est atroce d’un bout à l’autre, et sublime, par moments, tout simplement. Le dernier morceau (sur le cimetière) rehausse tout ce qui précède et met comme une barre d’or au bas de votre oeuvre. La grande question du réalisme n’a jamais été si carrément posée. On peut joliment disputer sur le but de l’art, à propos de votre livre.”

Intimement liés à Flaubert, les Goncourt ont longtemps regardé le romancier comme un maître.
Leur Journal, dans lequel Flaubert apparaît souvent comme une sorte d’ogre débordant de vitalité, excessif en tout, est rempli des conversations et des confidences que le romancier leur fit sur sa création et sa vie la plus secrète.

Exemplaire exceptionnel réunissant trois des plus importantes figures du Naturalisme.

Il existe un autre exemplaire de Germinie Lacerteux portant un envoi des auteurs à
Gustave Flaubert. Ce second exemplaire, un des sept sur papier de Hollande, fut certainement été envoyé plus tard. En effet, les tirages sur papiers de luxe sont traditionnellement imprimés à la fin, après le tirage courant.
Les auteurs auront ainsi adressé au romancier, comme ils l’écrivent, “le 1er exemplaire” de leur roman impatiemment attendu par le dédicataire. Puis, une fois les grands papiers tirés et les compliments reçus de Flaubert, les Goncourt eurent à coeur de lui adresser un exemplaire conforme à leurs goûts de bibelotiers – manie de bibliophile si peu partagée par l’ermite de Croisset ! Mors restaurés.

Bibliothèque nationale, Gustave Flaubert, 1980, nº 278 : pour le second exemplaire avec envoi des Goncourt à Flaubert :
l’exemplaire est conservé dans la bibliothèque de Flaubert, à l’Hôtel de Ville de Canteleu.
Partager