Lot n° 358

[FLAUBERT]. DELATTRE, Eugène. Devoirs du suffrage universel, suivi du texte de la loi électorale. Paris, Pagnerre, 1863.

Estimation : 3 000 / 5 000 €
Adjudication : Invendu
Description
In-12 (185 x 115 mm) de (2) ff., 247 pp., 32 et 32 pp. de catalogues de l’éditeur : demi-toile bleue à la Bradel, pièce de titre de maroquin brun, couvertures conservées (reliure postérieure).

Édition originale, parue l’année même de Salammbô.

Ancien élève de Bouilhet, avocat parisien et homme politique né dans la Somme, Eugène Delattre (1830-1898) fut un opposant au Second Empire. Fondateur de L’Audience, il publia en 1859 Le Cœur à droite, la pièce de Bouilhet refusée par la Revue de Paris. Il fut élu député de la Seine en 1881, siégeant avec la Gauche radicale.
“En 1863, Eugène Delattre (qui seconde Gambetta à la fin de l’Empire), dans Devoirs du suffrage universel, affirme déjà que le suffrage universel n’a de sens qu’accompagné du droit de réunion :
Les citoyens qui ne se réunissent, ni ne se concertent, ni ne s’éclairent sur les meilleurs choix à faire, sont indignes d’être électeurs. Le discours républicain affirmant que le vote de tous les citoyens rend indispensable la liberté de réunion se développe donc sous l’Empire, comme opposition à une manipulation du suffrage – en référence aux plébiscites napoléoniens” (Paula Cossart).

Envoi autographe signé de l’auteur sur le faux titre :
A Gustave Flaubert,
le plus dévoué des Salambistes
hommage de son
ami
E. Delattre

Sur la couverture, l’auteur a noté : “M. Gustave Flaubert, à Croisset près Rouen (Seine-infre).”

Avec humour, Flaubert a modifié l’envoi, surchargeant plusieurs mots : “…le plus dévoué des Salambistes, hommage de son ami” devient : “…le plus dévoué des Salambistes, des [Bourges ?], des Bovarystes et son ami.”

Les modifications du romancier font écho à la lettre enthousiaste que lui avait adressée Eugène Delattre à propos de Salammbô, lettre qu’il signa : “E. Delattre montarcyste, Bovaryste et Salammbyste.” Il lui annonçait sa prochaine visite (“Sous peu j’irai dans ton temple t’exprimer toute ma joie”) : on peut donc imaginer que Flaubert lui a montré ses ajouts, par jeu.
Il est vrai que les relations entre les deux hommes, dont témoigne le ton de franche camaraderie de leur correspondance, étaient très amicales.
En 1858, Gustave Flaubert s’était enthousiasmé pour l’ouvrage d’Eugène Delattre : Tribulations des voyageurs et des expéditeurs en chemin de fer, portant en sous-titre : Conseils pratiques.
Dans cet ouvrage d’apparence très convenable, au chapitre de la “mention mise au dos des bulletins de bagages” (p. 60), Eugène Delattre mettait en scène “M. Léon, élégant étudiant en droit” (allusion directe à Madame Bovary). Ce voyageur s’inquiétant du coût du transport de sa malle, en liste le contenu : en sus d’un habit neuf, d’une redingote, de deux pantalons, six chemises, etc.,
il mentionne quatre livres : un traité de droit, L’Insecte et l’oiseau de Michelet, La Meloenis de Bouilhet et “Madame Bovary, par Flaubert, 2 vol.”

Le clin d’oeil ne devait pas échapper au romancier qui lui écrivit le 1er août 1858 : “Je me délecte dans les Tribulations des voyageurs et expéditeurs. J’admire surtout le bourgeois qui avait fait du cadavre de sa femme un colis !!! Mais dans la liste des objets que M.*** emporte en vacances, tu aurais dû mettre parmi les objets de première nécessité plusieurs g[odemichets] pour ses cousines, et parmi les bons auteurs, de Sade, Delattre, etc.”

Provenance : docteur Lucien-Graux, avec ex-libris (cat. I, 1956, nº 119).
Cossart, La Réunion électorale au service des républicains français dans le dernier tiers du XIXe siècle in Histoire sociale, nº 95, 2014, pp. 646-647.
- Corpus bibliographique des manuels électoraux français, nº 137.- Guinot, Dictionnaire Flaubert, p. 199.
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