Lot n° 330

STAËL, Germaine Necker, baronne de. De l’Allemagne. Paris, Nicolle ; Londres, John Murray, 1813.

Estimation : 6 000 / 8 000 €
Adjudication : 7 519 €
Description
3 volumes in-8 (207 x 132 mm) de XXI, (1) f., 360 pp. ; (3) ff., 399 pp. ; (4) ff., 416 pp. :
demi-basane brune à petits coins, dos lisses filetés or, pièces de titre et de tomaison de veau fauve
(reliure suisse de l’époque).

Édition originale.

Une première édition avait été mise en oeuvre en 1810 : son impression fut interrompue avant d’être terminée et les feuilles mises au pilon. De ce premier essai, il ne subsiste aujourd’hui que quatre jeux d’épreuves ayant échappé à la destruction. L’ouvrage avait été interdit par l’empereur Napoléon Ier
qui, entre autres, n’avait pas goûté le Portrait d’Attila qui se croit “l’instrument des décrets du ciel”, ni cet appel à la régénération dans la liberté de l’esprit : “L’art est pétrifié quand il ne change plus.”

Contrainte à l’exil, Mme de Staël fit paraître son ouvrage à Londres où elle se trouvait alors, en octobre 1813 : succès immédiat ; non seulement les 1 500 exemplaires de cette première édition furent enlevés en trois jours, mais les rééditions se succédèrent au cours de l’année 1814.
(Bibliothèque nationale, Mme de Staël et l’Europe, nº 409 : “Cette édition anglaise est la véritable édition originale.”)

Une romantique européenne.

À la charnière des Lumières et du romantisme, Mme de Staël fut aussi au carrefour
géographique et spirituel de l’Europe. L’aboutissement de sa réflexion sur la culture
européenne se trouve dans cet essai pionnier qui ouvrait aux Français un domaine dédaigné, tout en les initiant à la littérature comparée de façon à les tirer de l’ornière du classicisme.
Pour inventer la modernité, une médiation est à chercher entre le génie allemand,
métaphysique et poétique, et la philosophie analytique française.
Son apologie de la poésie lyrique allemande met l’accent sur le rôle de l’inspiration en analysant ce qui constitue l’âme romantique. Le “mal du siècle”, source de créativité, est pour la première fois défini comme “sentiment douloureux de l’incomplet de la destinée” de l’homme.
Le livre est le fruit d’une enquête sur le terrain, de ses lectures et rencontres avec notamment Goethe et August Wilhelm Schlegel, théoricien du romantisme allemand et précepteur de ses enfants. Ce pont jeté entre deux mondes parallèles a été salué par Goethe : “Un puissant instrument qui fit la première brèche dans la muraille d’antiques préjugés élevée entre nous et la France.” (Bibliothèque nationale, En français dans le texte, 1990, n° 222 : “Cette oeuvre très ample, à la fois politique, philosophique, littéraire et critique, est d’une remarquable harmonie et d’une grande liberté de pensée.”)

Exceptionnel envoi autographe sur le feuillet de garde.

Pour madame Achard de Bontems
de la part de l’Auteur.

Anne-Renée de Bontems (1753-1831) avait épousé en 1773 Jacques Achard, un banquier genevois. De leur union naquit une fille, également prénommée Anne-Renée, qui épousa Charles Constant de Rebecque, le cousin de Benjamin Constant. Les deux familles étaient proches et se retrouvaient fréquemment au château de Coppet.
Les envois de Mme de Staël sur De l’Allemagne sont de la plus grande rareté.

Plaisant exemplaire en reliure suisse de l’époque.
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