Lot n° 232

BERTRAND, Louis, dit Aloysius. Gaspard de la nuit. Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. Par Louis Bertrand. Précédé d’une notice par M. Sainte-Beuve. Paris, Angers, Imprimerie-librairie de V. Pavie, et Paris, chez Labitte, 1842.

Estimation : 6 000 / 8 000 €
Adjudication : 8 146 €
Description
In-8 (243 x 155 mm) de (2) ff., XXII pp., (1) f. blanc, 322 pp. mal chiffrées 324 : maroquin aubergine orné d’un décor à répétition de compartiments quadrilobés, chacun serti de deux filets dorés et d’un listel à froid, dos à nerfs, coupes filetées or, bordures intérieures décorées, doublures et gardes de soie violette, couvertures imprimées conservées, tranches dorées sur témoins (Huser).

ÉDITION ORIGINALE tirée à 200 exemplaires : préface de Sainte-Beuve.
“Un des beaux échecs dont les annales de la librairie fassent mention”, déplore l’éditeur Victor Pavie en 1857 ; ne furent écoulés que vingt exemplaires, “tant donnés que vendus” (lettre de David d’Angers à Saint-Beuve).

Important et fameux recueil de poèmes en prose publié un an après la mort de l’auteur par ses amis.

Né en Italie au hasard de l’affectation de son père, officier de gendarmerie, Aloysius Bertrand (1807-1841) mourut à 34 ans de phtisie à Paris, au terme d’une vie misérable consacrée à la rédaction de son unique recueil poétique. “Il passa presque toute sa vie, il usa sa jeunesse à ciseler en riche matière mille petites coupes d’une délicatesse infinie et d’une invention minutieuse, pour y verser ce que nos bons aïeux buvaient à même la gourde ou dans le creux de la main”, dit Sainte-Beuve.
La vie de bohème eut raison de la volonté de ce “poète maudit” avant l’heure. Son ami le sculpteur David d’Angers, qui l’avait veillé et soutenu des années durant, assista seul à son enterrement.
Bertrand fut, selon le mot de Sainte-Beuve, un de ces “grands généraux tués sous-lieutenants”.

Sa postérité littéraire et musicale est capitale.

Baudelaire, d’abord, reconnut sa dette en préface au Spleen de Paris : “C’est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand […] que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.”
Plus tard, Maurice Ravel adapta trois poèmes, sous le titre général de Gaspard de la nuit, et Stéphane Mallarmé de confesser : “J’ai, comme tous les poètes de notre jeune génération, mes amis, un culte profond pour l’oeuvre exquis de Louis Bertrand.” André Breton et les surréalistes, enfin, saluèrent en lui un de leurs devanciers.
Exemplaire irréprochable, à toutes marges, complet des fragiles couvertures
imprimées.

Il est revêtu d’une belle reliure décorée de Huser.
Des bibliothèques Georges Heilbrun et Charles Hayoit (cat. II, 2001, n° 206), avec ex-libris.
Partager