Lot n° 217

[STERNE]. Julie de LESPINASSE. Suite du Voyage sentimental. Sans lieu ni date [vers 1770].

Estimation :
Adjudication : 4 637 €
Description
Manuscrit in-8 de (58) ff. dont 6 blancs : maroquin rouge, dos lisse joliment orné, pièce de titre de maroquin vert, triple filet doré encadrant les plats avec fleurons dorés dans les angles, coupes et bordures intérieures décorées, doublures et gardes de soie bleue, tranches dorées (reliure de l’époque).

Ravissant manuscrit du XVIIIe siècle offrant les trois fameux “chapitres
supplémentaires” au Voyage sentimental de Sterne.

Joliment calligraphié dans des pages encadrées d’un trait rouge, le manuscrit a été exécuté vers 1770. Il contient le Chapitre XV, qui ne vous surprendra pas , et le Chapitre XVI, que ce fut une bonne journée que celle des pots cassés ! , ainsi que : Le seigneur de château, chapitre 50 ème du Voyage sentimental.

Brillants pastiches de Sterne par Julie de Lespinasse (1732-1776), femme de lettres. Ils ont été conçus comme suppléments au Voyage sentimental et ne parurent que de manière posthume. Ils circulèrent cependant sous forme de manuscrits dans les milieux encyclopédistes que fréquentait et qu’animait leur auteur, dont le salon rue de Bellechasse était des plus courus : elle y reçut notamment Condillac, Condorcet, Grimm, Suard, D’Alembert et Sterne.
Ses contemporains ignorèrent pour la plupart que la muse de l’Encyclopédie fût un écrivain de race. Le recueil de ses Lettres adressées au trop volage comte de Guibert, qu’elle aima à en mourir, sont les Lettres portugaises, combien plus authentiques, d’un siècle sceptique. Les Goncourt y ont senti “le plus fort battement de coeur du XVIIIe siècle”, annonçant le mal et les fièvres d’un romantisme dont elle fut une des premières victimes, et là encore : la plus vraie.

Les deux premiers chapitres ont paru pour la première fois dans les Œuvres posthumes de D’Alembert (1799, II, pp. 22 à 42) ; le dernier dans les Nouvelles Lettres de Mlle de Lespinasse (Paris, 1820).
Les deux premiers mettent en scène Mme Geoffrin, dont le nom est imprimé dans l’édition originale de 1799 quand elle n’est ici désignée que par son initiale : “Madame G…” ou, parfois,
“Madame de G…”

Superbe exemplaire en maroquin décoré du temps.

Provenance : François Guizot, avec cachet de bibliothèque (cat. I, 1875, nº 388).
La belle-mère de l’historien et homme politique, Marguerite de Meulan, avait fréquenté Julie de Lespinasse, qui vint souvent dîner chez sa mère, la marquise de Saint-Chamans, rue des Capucines. Pauline de Meulan, fille de Marguerite, épousa François Guizot en 1812.
Elle mourut prématurément en 1827, laissant Guizot inconsolable, au point que l’historien débuta une correspondance posthume avec elle. Par héritage, Pauline Guizot avait reçu de son grand-père, Mr de Saint-Chamans, un ensemble important de manuscrits autographes légué par Julie de Lespinasse. Cet ensemble comprenait des liasses de papiers ainsi que quatre gros volumes que François Guizot fit relier vers 1830. Leur contenu fut révélé par Charles Henry dans son édition des Lettres de Mlle de Lespinasse (1887).
On imagine aisément l’importance que revêtait pour l’historien cette copie manuscrite des trois suppléments au Voyage sentimental qui le reliait au souvenir de sa première femme.

La bibliothèque de l’Arsenal conserve le manuscrit autographe du Seigneur de château, le troisième supplément au Voyage sentimental de Sterne dont on avait longtemps mis en doute que Julie de Lespinasse en fût l’auteur : Guizot l’avait offert à Mr d’Estournel. On peut supposer qu’il provenait de l’ensemble de papiers du marquis de Saint-Chamans.
2 000 / 3 000 €
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