Lot n° 556

ZOLA, Émile. Victor Hugo. Paris, 1877.

Estimation : 8 000 / 12 000 €
Adjudication : 30 912 €
Description
Manuscrit autographe signé in-8 (222 x 148 mm) de (53) ff. sur papier bleu clair montés sur des feuillets de papier bleu foncé : maroquin tabac janséniste, dos lisse, coupes filetées or, bordures intérieures décorées (M. Lortic).

Important manuscrit autographe signé d’Émile Zola.

Il présente ratures et corrections ; la mention en tête “Correspondance de Paris” a été rayée.

Le texte a paru sous le titre : “Victor Hugo et sa Légende des siècles” en avril 1877 dans Le Messager de l’Europe (Vestnik Evropy). De mars 1875 à décembre 1880, Zola fournit au journal russe, qui publia La Faute de l’abbé Mouret en feuilletons, une chronique régulière intitulée “Lettre de Paris”. L’écrivain y abordait les sujets les plus variés : critique littéraire (celle sur Flaubert est fameuse), critique théâtrale, études sociologiques de la France contemporaine, comptes rendus d’expositions, contes, souvenirs, etc. Plusieurs de ces textes furent repris dans la presse française et en volumes. (Dictionnaire d’Émile Zola, p. 257.)

Lancée le 26 février 1877, jour anniversaire de son auteur, 75 ans, la deuxième série de La Légende des siècles fut unanimement saluée par la presse, en dépit de ventes plutôt décevantes : les volumes étaient loués à défaut d’être lus. La bienveillance de la critique et la promotion orchestrée par les journaux imposèrent d’emblée l’ouvrage comme un classique. Cependant, dans ce concert de louanges, deux voix discordantes se firent entendre, provenant de bords opposés : Barbey d’Aurevilly fustigeant le battage – “J’aurais aimé à ne pas parler, cette fois, de Victor Hugo - et si j’en parle, c’est malgré moi. C’est contraint et forcé. Je n’y suis pas forcé par son génie mais par
son succès” – et Émile Zola.

Le jugement de ce dernier est sans appel : prenant définitivement congé du poète qui avait enchanté sa jeunesse, il déclare :

Victor Hugo, qui a traîné derrière lui des cortèges de fidèles, ne laissera pas un disciple, qui puisse reprendre et fonder la religion du maître. […] On fera bon marché de tout ce bric-à-brac du moyen âge, qui n’a pas même le mérite d’être historique. On s’étonnera que nous ayons laissé passer sans rire cet amas colossal d’erreurs et de puérilités. On cherchera le philosophe, le critique, l’historien, le romancier, l’auteur dramatique, et lorsqu’on ne trouvera toujours qu’un poète lyrique, on lui fera sa place, une place très grande ;
mais, à coup sûr, on ne lui donnera pas le siècle entier, car au lieu d’emplir le siècle de lumière, il a failli le boucher de la masse épaisse de sa rhétorique. Il n’est pas allé à la vérité, il n’a pas été l’homme de son temps, quoiqu’on dise. […]
Je ne crois pas à la descendance de Victor Hugo ; il emportera le romantisme avec lui, comme une guenille de pourpre, dans laquelle il s’était taillé un manteau royal. Je crois au contraire à la descendance de Balzac, qui a en elle la vie même du siècle. Victor Hugo restera ainsi qu’une originalité puissante, et le meilleur service que des amis pieux pourraient lui rendre après sa mort, ce serait de porter la hache dans son oeuvre si considérable, de réunir les cinquante ou soixante chefs-d’oeuvre qu’il a écrits dans son existence, des pièces de vers d’une absolue beauté. On obtiendrait ainsi un recueil comme il n’en existe dans aucune littérature.
Les âges s’inclineraient devant le roi indiscutable des poètes lyriques.

Fine reliure en maroquin de Marcelin Lortic.
On joint un portrait de Victor Hugo gravé à l’eau-forte par Abot.
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