Lot n° 484

MONTESQUIOU, Robert de. Deuxième ouvrage carminal. Les Chauves-souris. Clairs-obscurs. [Paris, Georges Richard, 1892.]

Estimation : 6 000 / 8 000 €
Adjudication : 37 596 €
Description
In-4 (248 x 190 mm) de (2) ff. le premier blanc, 626 pp., (3) ff. : vélin ivoire à la Bradel à petits recouvrements, dos lisse avec titre, portrait peint de Montesquiou signé “Gandara” sur le premier plat avec, en-dessous, trois vers autographes signés :
O Chauves-Souris / Guêpes / Des nuits..., doubles couvertures de satin gris perle avec motif de chauves-souris, étoiles et lune, doublures de satin jaune ornées du même décor, supra-libris doré au second plat, non rogné, tête dorée, chemise moderne en demi-maroquin (Henri Joseph [Pierson]).

Édition originale imprimée à compte d’auteur, non mise dans le commerce.
Deux autres éditions verront le jour la même année.
Tirage unique à 100 exemplaires sur vergé van Gelder Zonen à filigrane de chauve-souris (nº 16).

PREMIER RECUEIL POÉTIQUE DU COMTE du comte Robert de MONTESQUIOU-FEZENSAC (1855-1921).

Il est précédé d’une brève lettre-préface de Leconte de Lisle. Les 164 pièces d’inspiration symboliste constituent, avec Le Chef des odeurs suaves, l’essentiel de l’oeuvre lyrique de l’auteur, outre une quarantaine d’ouvrages. Le poète qu’aimèrent Mallarmé et Verlaine était devenu grâce à Huysmans le prince des Décadents. Quant à Proust, il en fit le baron de Charlus.

EXEMPLAIRE d’Edmond de GONCOURT, ENRICHI D'UN LONG ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ :
a
Monsieur Edmond de Goncourt

C’est à vous, Monsieur, que j’eusse osé demander pour un volume de prose (dont vous n’êtes pas encore quitte) le noble imprimatur dont mes vers remercient aujourd’hui un illustre Poëte ; parce que, tout comme lui, parmi des malentendus et des légendes, des litiges et des contestes, vous m’avez témoigné une haute bienveillance graduée,
puis accrue, d’autant plus précieuse entre vos respectives juridictions justes et sévères.
Permettez-moi de ne point dissocier ici «Les deux Goncourt» dans mon remerciment [sic] et mon hommage, la glorieuse survivance d’avec la belle et touchante mémoire.

Comte Robert de Montesquiou Fezensac.
Juillet 92.

Familier du Grenier, le poète est constamment cité dans le Journal des années 1890 :
“Je le trouve d’une humanité tout à fait supérieure à l’humanité de des Esseintes qui n’est que sa caricature car il n’y a pas à dire c’est un tarabiscoté tout à fait distingué et qui pourrait bien avoir un vrai talent littéraire.” Il est vrai que Montesquiou savait manier l’encensoir : “Pour parler en littérature aristocratiquement des êtres et des choses il ne connaît que Chateaubriand et moi.”
Surbrodé et quelque peu amphigourique, l’envoi est à l’image du personnage et de la calligraphie frisottée au petit fer dont les arabesques et volutes se retrouveront chez sa rivale la comtesse de
Noailles et le jeune Jean Cocteau.
Une des vingt-neuf reliures peintes “au portrait de l’auteur”.
Avec Henri Beraldi, Edmond de Goncourt fut l’arbitre des élégances bibliophiliques en matière de reliures décorées fin de siècle. Il a confessé ses inclinations volontiers dispendieuses :

“J’aime les livres dont la reliure coûte très cher. Les belles choses ne sont belles pour moi qu’à la condition d’être bien habillées.”
Le Journal (14 décembre 1894) évoque “la réunion dans une vitrine des portraits des littérateurs amis, des habitués du Grenier, peints ou dessinés sur le livre le mieux aimé par moi et dont l’exemplaire est presque toujours en papier extraordinaire et renfermant une page manuscrite autographe de l’auteur”.

Sur le plat supérieur est peint à l’huile le portrait de Robert de Montesquiou, signé par Antonio de La Gandara (1861-1917). Peintre et graveur formé dans l’atelier de Gérôme, il fut le portraitiste du Tout-Paris sous l’égide du poète, son mentor. Le grand monogramme
des deux frères est frappé sur le second plat. La reliure est signée par Pierson de son seul prénom, Henri Joseph, comme cela arrive parfois.
(Christian Galantaris, Les Goncourt bibliophiles, in Le Livre et l’Estampe, 1994, n° 142, pp. 7-63).

En page de garde, Edmond de Goncourt a noté à l’encre rouge : “Exemplaire de la première, et de la belle, et de la rare édition des Chauves-Souris par Robert de Montesquiou de Fezensac, précédée d’une lettre dédicatoire manuscrite. Portrait du poète exécuté à l’huile par Gandara dans l’été de 1893. Edmond de Goncourt.”
Et le Journal précise : “Portrait rendant bien la silhouette et le port de tête du poète.”

On a joint, à part :
• Une belle lettre autographe signée de Montesquiou adressée du “Pavillon des muses” à Mme Arman de Caillavet, égérie d’Anatole France (vers 1896, 4 pages in-4 oblong). L’auteur des Chauves-Souris répond aux manifestations d’admiration de sa lectrice, qu’il fascinait et terrorisait à la fois.
En post-scriptum, il évoque Anatole France, dédicataire de l’un des essais de Roseaux pensants (1897) :
“Le cinquième et le sixième de ces Recueils d’Essais c’est [sic] entièrement terminés. Le septième et, sans doute, dernier, se devra d’être le meilleur, si Monsieur France en veut bien accepter la dédicace, comme il me l’a fait espérer.
Puisse cette fière et modeste offrande le décider à inscrire, un jour, dans sa Vie littéraire, les pages dont il a honoré un effort, qui n’a cessé de s’amplifier et de se poursuivre, sous la grâce, en même temps que la garde d’un si haut encouragement, que pour essayer de le mériter !”

• Deux épreuves du portrait de Montesquiou gravé par H. Guérard d’après Whistler, extrait de la Gazette des Beaux-Arts (1903).

TRÈS BEL EXEMPLAIRE
.
Ex-libris des bibliothèques E. et J. de Goncourt (cat. II, 1897, n° 21) et Philippe Kah.

L’exemplaire est cité par Vicaire V, 1106.
Quelques piqûres légères.
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