Lot n° 480

MAUPASSANT, Guy de. Pierre & Jean. Paris, Paul Ollendorff, 1888.

Estimation : 4 000 / 6 000 €
Adjudication : 5 639 €
Description
In-12 (185 x 115 mm) de (2) ff., XXXV, 277 pp. : toile soie rouge à la Bradel, pièce de titre de maroquin noir, couvertures conservées (Pierson).

Édition originale.

UN MANIFESTE LITTÉRAIRE QUI MIT LE FEU AUX POUDRES.

Le récit de l’affrontement de deux frères exprime la recherche d’une nouvelle formule romanesque, plus épurée, sur laquelle Maupassant fonde ses choix esthétiques.
La préface, sobrement intitulée Le Roman, est son unique texte théorique. Elle constitue une manière de manifeste littéraire.
Maupassant y fustige les critiques, se faisant le chantre de Flaubert et de son école. Les symbolistes y sont pris à parti : “Efforçons-nous d’être des stylistes excellents, conseille-t-il, plutôt que des collectionneurs de termes rares. […] La langue française est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide ses
modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles, de ces efforts impuissants. La nature de cette langue est d’être claire, logique et nerveuse.
Elle ne se laisse pas affaiblir, obscurcir ou corrompre.” Aussi refuse-t-il le “style artiste” ; l’allusion à celui cultivé par les frères Goncourt est on ne peut plus transparente.

Curieux envoi autographe signé sur le faux titre :
à mon cher maître
Edmond de Goncourt
son ami
Guy de Maupassant

Le “vilain Normand”.

La préface de Pierre et Jean fut ressentie comme une trahison, qu’Edmond de Goncourt ne devait jamais pardonner : “vilain Normand”, “fourbe”, “roi des menteurs.” Et de se déchaîner par la suite :
“Et pourquoi, aux yeux de certaines gens, Edmond de Goncourt est-il un gentleman, un amateur, un aristocrate qui fait joujou avec la littérature et pourquoi Guy de Maupassant, lui, est-il un véritable homme de lettres ?”
Avec une haine persistante, au lendemain de l’enterrement de Maupassant, le diariste s’acharna encore sur sa mémoire : “Le succès de Maupassant près des femmes putes de la société constate leur goût canaille, car je n’ai jamais vu chez un homme du monde un teint plus sanguin, des traits plus communs, une architecture de l’être plus peuple, et là-dessus, des vêtements ayant l’air de venir de la Belle Jardinière et des chapeaux enfoncés par derrière jusqu’aux oreilles.”

Bon exemplaire relié par Pierson, avec les couvertures conservées.

Signature d’Edmond de Goncourt en guise d’ex-libris et mention autographe à l’encre rouge sur la garde : “Édition originale.” Dos légèrement insolé. Petit défaut au mors supérieur.

(Catalogue Goncourt II, Livres modernes, 1897, n° 571.)
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