Lot n° 398

BLOY, Léon. Le Mendiant ingrat. (Journal de l’Auteur. 1892-1895). Bruxelles, Edmond Deman, 1898.

Estimation : 2 000 / 3 000 €
Adjudication : 3 885 €
Description
Fort in-8 (229 x 148 mm) de (1) f., 447 pp., (2) ff. : maroquin vert janséniste, dos à nerfs, doublures de maroquin beige clair serties d’un filet or, couvertures et dos conservés, tranches dorées sur témoins, chemise, étui (Miguet).

Édition originale tirée à 1 200 exemplaires.

Un des 30 exemplaires sur Hollande, numérotés et justifiés par l’éditeur (nº 23).

Il a été tiré en outre 10 exemplaires sur papier du Japon.

Après une interruption de vingt-six ans, Léon Bloy (1846-1917) reprit son Journal en 1892.
Il le tint régulièrement jusqu’à sa mort. L’imprécateur au vitriol a reconnu sa dette envers l’éditeur Edmond Deman : “C’est une victoire assez honorable d’avoir pu placer ce livre que personne ici, je crois, n’aurait osé éditer” (Bollery, Léon Bloy, III, p. 234).
L’insuccès du Mendiant ingrat, livre sur lequel il avait tant compté, le décida à se réfugier au Danemark. Et dix ans plus tard, en 1908, les éditions du Mercure de France remirent en vente le stock des invendus, revêtus d’une nouvelle couverture.

Envoi autographe signé :
à mon ami
Otto Friedrichs
à l’homme surprenant
& incomparable qui
a toujours voulu la
même chose.
24 Octobre 98
Léon Bloy

En fait de vérité et justice, Otto Friedrichs était “naundorffiste”, c’est-à-dire qu’il croyait que Charles-Guillaume Naundorff était le dauphin Louis XVII. Tout au long du XIXe siècle, plusieurs prétendants exploitèrent la légende selon laquelle le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette n’était pas mort au Temple en 1795…
En 1900, Léon Bloy dédia son propre ouvrage sur la question, Le Fils de Louis XVI, à Otto Friedrichs. Il y fait l’apologie des multiples publications du dédicataire sur la question, notamment Un crime politique (Bruxelles, 1884) qui fut, explique-t-il, une révélation :
“J’ignorais alors cette histoire. […]. Ce drame qui ne ressemble à aucun drame, je le lus donc, par une nuit de mai fort lugubre, dans un lieu très solitaire, étant ‘assis à l’ombre de la mort’ – littéralement.” Bref, dit Bloy : “Louis XVII n’est pas mort au Temple, c’est certain.”
Le complot historique ne pouvait que séduire le “Mendiant ingrat”.
Bien des années plus tard, Otto Friedrichs a offert l’exemplaire à un autre fantaisiste :
Oui, j’ai toujours voulu la “même chose”:
la vérité et la justice…
Redédicacé au Comte d’Hartoy, qui m’aide si
généreusement à poursuivre cet Idéal, en hommage
de très sincère amitié et de profonde reconnaissance.
Otto Friedrichs.
Belle-Isle-en-Mer, 8 mai 1937.

Le supposé “comte d’Hartoy” à qui Friedrichs offrit son exemplaire du Mendiant ingrat, s’appelait en réalité Maurice-Lucien Hanot. Né en 1892, blessé durant la Première Guerre mondiale, il fut un des fondateurs des Croix de Feu. Homme de lettres sous le pseudonyme de Maurice d’Hartoy, il fut également éditeur. Parmi ses publications : les statuts du Cercle Louis XVII, ainsi qu’un Marie-Antoinette calomniée d’un certain Otto Friedrichs, avec une préface de… Léon Bloy.
Le comte d’Hartoy devint ministre plénipotentiaire à la SDN et à l’ONU ; il mourut en 1981.

Élégante reliure en maroquin doublé de Miguet.
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