Lot n° 118

ZOLA, Émile. La Vérité en marche. L'Affaire Dreyfus. Paris, Bibliothèque Charpentier, Eugène Fasquelle, 1901. In-12 : reliure recouverte d'une broderie figurant des fleurs en plusieurs tons, avec ajouts de fils d'argent et de cuivre, bordure...

Estimation : 40000 / 60000
Adjudication : 44 000 €
Description
brodée or, canevas brut en bordures intérieures, couvertures
conservées (reliure signée d'Alexandrine Zola).
Édition originale.
Un des 10 premiers exemplaires sur papier du Japon (n° 3).
Recueil des articles publiés par Zola tout au long de l'affaire Dreyfus, dont le célèbre J'accuse, paru
en une du quotidien L'Aurore le 13 janvier 1898. Anatole France a pu qualifier de “moment de la
conscience humaine” cet événement qui, par ailleurs, marque la naissance de la figure de l'écrivain
engagé.
Exemplaire unique, sans doute le plus précieux qui soit : il a été offert par l'écrivain à sa femme,
laquelle a recouvert la reliure d'une broderie de sa confection.
Long et superbe envoi autographe signé :
à ma chère femme,
en remerciement pour sa fidélité
et sa bravoure, pendant les trois
terribles années qui lui ont causé
tant de tourments et tant de souffrances.
Avec toute la tendresse
reconnaissante de mon coeur
Emile Zola
Alexandrine Zola, qui a confectionné la broderie recouvrant l'exemplaire, a inscrit en regard de
l'envoi : “Couverture que j'ai brodée tout spécialement pour ce livre, Alexandrine Emile Zol a.”
Émile Zola rencontra Gabrielle-Alexandrine Meley en 1864 et l'épousa en 1870. D'abord fleuriste
puis blanchisseuse, Alexandrine était d'origine très modeste. Orpheline de mère, ballottée entre
deux foyers, celui de son beau-père et celui de sa belle-mère, elle connaissait bien le pavé parisien,
particulièrement le quartier des Halles, les rues Montorgueil et Poissonnière : autant d'expériences
qui enrichirent L'Assommoir.
Avant de rencontrer l'écrivain, Alexandrine a vécu un drame secret, récemment révélé par Evelyne
Bloch-Dano : le 11 mars 1859, en effet, elle a abandonné une petite fille de quatre jours aux
Enfants-Trouvés. L'héroïne de Madeleine Férat (1868), qui oublie “la honte de son passé” grâce à
son mariage, doit sans doute beaucoup à cet épisode douloureux. La stérilité ultérieure de Mme
Zola conféra une dimension plus tragique encore à cet abandon. Lorsque les époux cherchèrent à
retrouver l'enfant, en 1877, ils découvrirent qu'elle était morte à l'âge de trois semaines, victime
sans doute de la négligence d'une nourrice. Cette blessure cachée ne se referma jamais : Angélique,
l'enfant abandonnée du Rêve, la stérilité de sa mère adoptive et les pages terribles qui décrivent
l'avortement et l'infanticide dans Fécondité en témoignèrent bien des années plus tard.
Durant toute l'épreuve de l'affaire Dreyfus, Alexandrine se révéla d'un courage extraordinaire.
Pendant l'exil de son mari en Angleterre, elle assuma seule le combat en France. En butte aux
insultes et aux menaces de mort, elle affronta la vente aux enchères de son mobilier et dut gérer
les problèmes éditoriaux. Elle accepta même de s'effacer devant la maîtresse de son mari, Jeanne
Rozerot, et leurs enfants qui rejoignirent plusieurs fois le romancier en Angleterre.
L'écrivain revint en France après l'annulation de sa condamnation par la Cour de cassation,
le 3 juin 1899 : il n'avait alors qu'un peu plus de deux ans à vivre. Il est mort par asphyxie, en raison
d'un conduit de cheminée bouché, dans la nuit du 28 septembre 1902 : Alexandrine, elle, survécut.
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