Lot n° 114

GIDE, André. Paludes. Paris, Librairie de l'Art indépendant, 1895. Grand in-8 carré : broché, couvertures grises rempliées, plat supérieur imprimé. Édition originale. Elle a été publiée à compte d'auteur, à un tirage restreint : 400...

Estimation : 60000 / 80000
Adjudication : 54 000 €
Description
exemplaires, plus 9 exemplaires
hors commerce – 6 sur papier de Chine et 3 sur papier vert.
Le premier des 6 exemplaires de tête sur papier de Chine, justifié avec la lettre “a”.
Le roman ou plutôt la sotie, pour reprendre le terme que Gide affectionnait, est une satire enjouée
des cénacles parisiens et du climat oppressant des milieux symbolistes dans laquelle Gide ne
s’épargne pas lui-même.
Le retentissement de Paludes fut quasi nul, mais la vogue du nouveau roman devait contribuer à sa
fortune littéraire. L'oeuvre si “moderne” du point de vue formel a été consacrée par Roland Barthes
dans Le Plaisir du texte, puis placée par Nathalie Sarraute au rang des “cinq ou six oeuvres les plus
importantes de notre temps”.
Précieux exemplaire de Stéphane Mallarmé.
Envoi autographe signé sur le faux titre :
à Monsieur Stéphane Mallarmé
notre maître très vénéré
André Gide
“Sit Tityrus Orpheus”
V irgile
Le don de l'auteur manifeste une admiration profonde envers le maître dont l'extrême exigence
était la règle de vie et d'écriture, et dont le disciple pressent qu'il est “le poète qui a décidé de la
modernité”.
Toutefois, chez Gide, l'admiration ne saurait être sans réserve, à tel point que dans Paludes même,
“M. Mallarmé” est nommément cité à plusieurs reprises sur le mode ironique ou sarcastique.
La lettre de remerciement de Mallarmé pour “l'offre de l'exemplaire A de Paludes”, en date du
21 juillet 1895, relève à peine la “goutte aigrelette et précieuse d'ironie”, pour ajouter : “Merci de
l'affectueux honneur qu'y soit mon nom.” Et, pour l'essentiel, la forme novatrice de l'oeuvre ne lui
a pas échappé : “Vous avez trouvé, dans le suspens et l'à-côté, une forme qui devait se présenter et
qu'on ne reprendra pas.”
Frank Lestringant observe finement combien Gide n'a jamais été aussi empressé auprès du maître,
ni si proche de lui que durant cette période où il s'émancipait du symbolisme. Ce que le biographe
nomme le complexe du fils prodigue : “En face de ce père d'élection, Gide se rend et se sent coupable,
infiniment coupable, mais c'est pour être d'autant mieux aimé et favorisé de lui.”
Quant au voeu exprimé en latin à la fin de l'envoi, “Sit Tityrus Orpheus”, il renvoie au sens premier
de Paludes. En effet, l'ouvrage est inspiré de deux vers de Virgile à propos de Tityre, le berger des
Bucoliques : celui-ci, bien que possédant un champ “plein de pierres et de marécages”, est heureux
de son sort. Qu'il en soit de même pour le Poète livré à la solitude et au confinement.
Bel exemplaire tel que paru, broché. Dos fendillé, habilement restauré.
Naville, Bibliographie des écrits d'André Gide, n° 24.- La lettre de remerciement de Stéphane Mallarmé est citée dans l'édition de la
Pléiade du Journal d'André Gide I, 1996, p. 1409.- Lestringant, André Gide l'inquiéteur I, 2011, p. 331.
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