Lot n° 112

GIDE, André. Le Voyage d'Urien. Paris, Librairie de l'Art indépendant, 1893. In-8 carré : cartonnage à la Bradel, pièce de titre de maroquin rouge, non rogné, couvertures illustrées conservées (Paul Vié). Édition originale : elle est...

Estimation : 20000 / 30000
Adjudication : 20 000 €
Description
dédiée au poète Henri de Régnier.
Tirage limité à 300 exemplaires numérotés (nº 3), plus quelques exemplaires sur Chine et sur Japon.
Ce voyage du Rien est une odyssée ironique, écrite “en réaction contre l’école naturaliste”.
Quelques jeunes gens en quête de “glorieuses destinées” s’embarquent pour un périple allégorique
qui débouche dans les déserts glacés de la stérilité.
31 lithographies originales du peintre Maurice Denis.
Le Nabi est parvenu à se libérer de toute servitude descriptive pour mieux investir le texte en
créateur. Les lithographies sont tirées en deux tons, sur fond tantôt ocre, tantôt vert pâle.
Elles sont quasiment les seules que Maurice Denis ait produites. Il fut, semble-t-il, peu attiré par
la pratique de la gravure originale dans le livre. La mise en page dénote un grand raffinement dans
les espaces, les initiales et les images. La couverture imprimée est également illustrée.
Le Voyage d’Urien est un des grands livres illustrés dans la tradition du livre de peintre inaugurée
par Édouard Manet, Charles Cros et Stéphane Mallarmé en 1874-1875. La collaboration entre le
peintre et l’auteur fut des plus étroites. “Ce livre est la trace la plus accentuée du symbolisme,
la ratification par les Nabis du principe du livre de dialogue” (Yves Peyré).
Précieux exemplaire de dédicace avec, sur le faux titre, cet envoi autographe signé :
à Henri de Regnier
(v. page 1 – et passim.)
son ami
André Gide.
Les deux écrivains furent longtemps très liés. De cinq ans son aîné, Régnier fut l'une des
admirations littéraires de Gide. Ensemble, ils voyagèrent en Bretagne ; durant ce périple, en 1892,
Gide composa son Voyage d'Urien qu'il lui dédia.
Ils devaient se brouiller en raison d'un article que Gide consacra à La Double Maîtresse dans La Revue
Blanche en mai 1900, article dans lequel l'écrivain ne ménageait pas ses critiques. Blessé, Régnier
ne pardonna jamais l'affront et resta sourd aux tentatives de réconciliation de celui qu'il regardait
désormais comme “un médiocre prosateur à la médiocrité prétentieuse”.
Fidèle en dépit du ressentiment, André Gide accorda aux vers de Régnier une place remarquée
dans son Anthologie de la poésie française parue en 1949.
Provenance : Henri de Régnier.- Pierre Berès.- Renaud Gillet (From Stendhal to René Char, le Cabinet des livres
de Renaud Gillet, 1999, nº 58).
Naville, Bibliographie des écrits d'André Gide, nº VI.- Chapon, Le Peintre et le livre, 1870-1970, pp. 38-41.- Peyré, Peinture et poésie,
le dialogue par le livre, 1874-2000, n° 4 et pp. 105-106.- The Artist and the Book, 1860-1960, Boston, n° 76.- Fossier, La Nébuleuse
Nabie, p. 271 : “Chronologiquement c'est Le Voyage d'Urien de Gide, illustré par Maurice Denis et édité par Bailly en 1893, qui marque
le début de cette nouvelle ère de symbiose entre image et texte.”
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