Lot n° 102

MALLARMÉ, Stéphane. Les Poésies. Paris, La Revue Indépendante, 1887. 9 fascicules in-folio (325 x 250 mm), en feuilles, sous couvertures imprimées de papier Japon : texte photolithographié, frontispice de Félicien Rops. Édition originale du...

Estimation : 200000 / 300000
Adjudication : 240 000 €
Description
premier recueil poétique de Mallarmé.
Elle est illustrée d'une composition originale de Félicien Rops en frontispice : “Cette gravure
connue comme La grande lyre avait été tirée en héliogravure après reprise au vernis mou par Rops”
(Christian Galantaris).
“Ce frontispice, devait écrire Mallarmé à l'artiste, une de vos pures oeuvres et ma constante admiration, est selon
moi inséparable de l'humble texte qu'il décore, ou du moins lui confère un tel honneur .”
Tirage unique à 47 exemplaires sur Japon impérial, dont 7 hors commerce (nº 1).
Publication rare et raffinée, au format in-folio, mise en oeuvre à l'initiative d'Édouard Dujardin,
directeur de La Revue indépendante : elle a paru en neuf fascicules d'avril à octobre 1887. Le texte,
entièrement photolithographié, reproduit les manuscrits autographes des 35 poèmes : “Le texte,
écrit Mallarmé, joue à la fois le manuscrit et l'imprimé ” (Lettre à Édouard Dujardin).
Les volumes étaient proposés soit sous forme de collection complète, soit en fascicules, ce qui
explique l'existence de quelques exemplaires dépareillés.
La publication des Poésies photolithographiées de 1887 marque un tournant dans l'histoire de
la poésie française. Mallarmé offre au public – certes restreint par un tirage malthusien à 47
exemplaires – une première mise en perspective de son art poétique à la publication duquel il
apporte un soin particulier.
À cette date, seul L'Après-Midi d'un faune avait déjà paru séparément, à petit nombre sous la forme
d'un volume de grand prix, et sept poèmes avaient été publiés par Verlaine dans Les Poètes maudits
(1884). La plupart des poèmes étaient connus par des publications dans des revues telles que
L'Artiste (1862), Le Parnasse contemporain (1866), Lutèce (1883) ou La Vogue (1886).
C'est au fidèle Édouard Dujardin que revint le mérite de la publication. Au début de l'année 1887,
il proposa de publier son oeuvre sous forme de manuscrits lithographiés.
“Avant de remettre à l'éditeur (…) l'ensemble des travaux littéraires qui composent l'existence poétique d'un
rêveur, Mallarmé avait soigneusement révisé les textes, remaniant entièrement certains poèmes et
apportant une extrême minutie à tous les parfaire” (Christian Galantaris).
Émile Verhaeren fut le premier à souligner l'importance de cette édition dans un article publié dans
L'Art moderne du 30 octobre 1887.
Exemplaire nº 1, le plus précieux d'entre tous, offert par le poète à sa maItresse,
Méry Laurent : il est enrichi de neuf envois autographes.
Les différents envois inscrits par Stéphane Mallarmé sur chacun des neuf fascicules expriment
une gradation de sentiment. Le poète fit ainsi hommage de son recueil en indiquant, après la
numérotation de chaque volume portant “Exemplaire nº 1”, la destination :
de la très chère Méry
de la très blonde Méry
de la très blanche Méry
de la très bonne Méry
de la très jeune Méry
de la très tendre Méry
de la très sage Méry
de la très belle Méry
de la très Méry Laurent
Stéphane Mallarmé et Méry Laurent se rencontrèrent probablement dès la publication de
L'Après-midi d'un faune en 1876, par l'intermédiaire du peintre Édouard Manet, dont elle fut à la fois
la maîtresse et le modèle. Des témoignages indirects laissent à penser que la liaison du modèle et
du poète débuta quelques années plus tard, en 1885.
“Adulé, entouré, Mallarmé devient peu à peu et malgré lui un homme public. Au même moment,
objet d'une création privée non moins étincelante, Méry Laurent, dont la grâce et l'enjouement
le captivent, se voit gratifiée par lui d'un Rondel exprimant une scène d'intimité” (Steinmetz,
Stéphane Mallarmé, p. 237). Cet amour probablement platonique fut une source d'inspiration
privilégiée pour Mallarmé. Plusieurs poèmes sont dédiés à Méry – Ô si chère de loin..., Dame, Sans
trop d'ardeur..., Éventail de Méry Laurent… –, sa rose carnation et sa blondeur prolongeant l'érotisme
vaporeux du Faune. De nombreux Vers de circonstance furent également inspirés à Mallarmé par son
“petit paon”, et apportèrent un peu de légèreté au rêveur plongé dans la métaphysique du Livre,
un moment diverti du vertige de la page blanche par le “rire qui secoue / votre aile sur les
oreillers” (Rondel).
Remarquable collection complète.
Quelques piqûres, notamment aux troisième et neuvième fascicules. Une ou deux pliures aux
couvertures.
Galantaris, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, nº 334 : “Les manuscrits, après une légère réduction, ont été photolithographiés
principalement par Lemercier pour trouver leur juste place à chaque page.”- En français dans le texte, Paris, 1990, nº 302.- Carteret,
II, pp. 96-97.
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