Description
lithographies, plus un ex-libris illustré sur parchemin
(194 x 278 mm) : premier plat de couverture illustrée en parchemin : boîte moderne recouverte de
papier brun, dos de box noir, plat supérieur ajouré.
Édition originale de la traduction de Stéphane Mallarmé
et premier tirage des illustrations d'Édouard Manet.
Tirage annoncé à 240 exemplaires sur papier de Hollande. Celui-ci, n° 204, signé par le poète et le
peintre, ce qui n'est pas toujours le cas.
Les travaux récents de Juliet Wilson-Bareau et Breon Mitchell dans les archives de l'imprimerie de
Richard Lesclide, conservées aux Archives nationales, viennent corriger le tirage optimiste à 240
exemplaires : en réalité, seuls 150 exemplaires furent imprimés, numérotés de 1 à 100 et 190 à 240.
Exemplaire de première émission, avant les petites corrections typographiques effectuées à la demande
de Stéphane Mallarmé.
(Wilson-Bareau et Mitchell, Tales of a Raven, The Origins and F ate of Le Corbeau by Mallarmé and Manet in Print
Quarterly, vol. 6, n° 3, septembre 1989, pp. 258-307.)
6 remarquables compositions d'Édouard Manet.
L'illustration comprend 4 grands lavis à l'encre autographique à pleine page auxquels s'ajoutent la tête
de l'oiseau sur le premier plat de la couverture en parchemin et un ex-libris, également sur parchemin :
le corbeau y est figuré déployant ses ailes près de l'espace où devait s'inscrire le nom du destinataire.
“Quant aux compositions de Manet, traitées au pinceau, avec une liberté, une concision qui
rappellent les influences japonaises, elles apparaissent (…) adjointes au texte plutôt que fondues à
sa masse. Il n'en demeure pas moins qu'elles seules sont capables de prolonger, par leurs moyens
intrinsèques, cette magie assignée pour but à la poésie dans une Divagation de 1893 : Évoquer, dans une
ombre exprès, l'objet tu, par des mots allusifs, jamais directs, se réduisant à du silence égal, comporte tentative proche de
créer” (François Chapon).
Le fameux portrait du poète par Édouard Manet est conservé au musée d'Orsay. Et, quand l'éditeur
Édouard Deman publia les poèmes de Poe traduits par Mallarmé en 1888, le livre fut dédié “à la
mémoire d'Édouard Manet”.
Naissance du livre de peintre moderne.
Si Olympia, la grande toile qui fit scandale en 1863, marqua la “naissance de la peinture moderne”,
pour reprendre le titre d'un essai fameux de Gaëtan Picon, c'est encore son auteur, Édouard Manet,
qui présida à la naissance d'un genre nouveau appelé à une fortune inouïe : le livre de peintre ou,
pour reprendre cette fois l'expression heureuse d'Yves Peyré, le livre de dialogue. Le peintre a été
l'illustrateur des trois livres qui fondèrent cette révolution du regard entre 1874 et 1876 – Le Fleuve de
Charles Cros, Le Corbeau et L'Après-midi d'un faune de Mallarmé.
“Manet est l'artiste qui vient en personne, sans souci de délégation, se mêler de l'illustration d'un
livre, il inaugure une pratique,” relève Yves Peyré qui ajoute, s'agissant du Corbeau : “Ce livre est un
monument, Mallarmé et Manet ont passé toute mesure avec ce seul objectif : couper le souffle du
lecteur par la juste manifestation d'une dramaturgie intime. Il n'est pas douteux qu'ils aient voulu
hausser le poème de Poe (morceau favori de Baudelaire et de tous ceux qui, à sa suite, oeuvraient à un
élargissement poétique et à une rigueur rythmique – donc de Mallarmé) au niveau du Faust de Goethe
tel qu'il fut pour les générations précédentes (de Nerval à Baudelaire), ce Faust précisément traduit en
images par Delacroix (l'idole de Baudelaire) en un livre fastueux si admiré des uns et des autres.”
Livre pionnier donc, autant qu'échec commercial. Aux trois livres inauguraux de 1874-1876 devait
succéder une période de près de vingt ans de silence, avant que le genre engendre de nouvelles
tentatives et s'épanouisse enfin, à partir de L'Enchanteur pourrissant de Guillaume Apollinaire, illustré
par Derain (1909).
Exemplaire de Madeleine et Henry Roujon, avec envoi autographe signé sur l'ex-libris :
ex libris
de Madeleine et d'Henry Roujon
leur ami
Stéphane Mallarmé
Intimes de Mallarmé, les Roujon comptaient – avec Verlaine, Villiers, Cazalis ou Mendès – parmi
les plus assidus des “mardistes” de la rue de Rome. Écrivain, journaliste, académicien et directeur
des Beaux-Arts, Henry Roujon (1853-1914) facilita l'acquisition de peintures de Whistler, Renoir et
Morisot par l'État, de même qu'il obtint du gouvernement une pension qui soulagea les dernières
années de Mallarmé. Aux funérailles du poète, il transporta le cercueil avec Coppée, Mendès,
Montesquiou et Lepelletier : “Roujon s'avance au plus près de la tombe, dit, au nom des amis, avec
peine, quelques paroles d'adieu, et, secoué de sanglots, ne peut finir ; mais tous les hommes, vieux
compagnons ou jeunes disciples, pleurent comme Marie, comme Geneviève, et Valéry ne peut
parler” (Henri Mondor).
Le deuxième plat de couverture, muet, fait défaut. Coin inférieur du premier plat refait.
Chapon, Le Peintre et le livre, p. 18.- The Artist and the Book, nº 178 : “An astonishingly modern illustrated book for 1875.”-
Rauch, Les Peintres et le livre, nº 7.- Peyré, Peinture et poésie, le dialogue par le livre, pp. 102-105.- Ray, Art of the French Illustrated
Book, nº 277.- Castleman, A Century of Artists Books, p. 16 : “However, [Manet's] evocative prints were issued in a portfolio of loose
sheets assembled together with the folded sheets of the text. The intention that these items were created as a “book” – to be bound
together – was asserted by a small extra print of the raven itself, titled Ex libris.”