Lot n° 76

[NERVAL, Gérard de.] Le Carrousel. Journal de la Cour, de la Ville et des Départements. Paris, Bureaux, 1836-1837. Fascicule in-8 de 20 pp. et 41 estampes en couleurs et en noir, la plupart montées sur des feuillets de papier vergé grand in-4 :...

Estimation : 80000 / 100000
Adjudication : 60 000 €
Description
couvertures vertes imprimées et illustrées, percaline bleue à la Bradel
(reliure de la fin du XIX e siècle).
Exceptionnelle relique littéraire :
elle offre la première trace autographe du fameux pseudonyme de Gérard Labrunie.
Numéro “prospectus et spécimen” de la revue Le Carrousel auquel on a joint l'ensemble des
25 lithographies originales de Gavarni qui servirent d'illustration à cet éphémère périodique :
quelques-unes sont en différents états – épreuves d'essai, définitives, coloriées, etc. – soit 41
planches en tout.
Le périodique fondé en 1836 par Gérard Labrunie et Anatole Bouchardy – un membre du “petit
Cénacle” – devait compter en tout 32 livraisons (mars 1836-juillet 1837) : il était destiné à
concurrencer La Mode de Girardin. Les deux associés sortaient de l’aventure malheureuse du Monde
dramatique, sur lequel Gérard avait fondé beaucoup d’espoirs mais qui était proche de la faillite
en raison d’une gestion incohérente. Aussi, pour éviter que leurs créanciers ne les fassent saisir,
Anatole Bouchardy et Gérard Labrunie – c'est encore sous ce nom, ou plus simplement sous le
nom de Gérard qu'il dirigeait Le Monde dramatique – devaient user d'un autre patronyme. Gérard
va donc choisir un pseudonyme : Gérard de Nerval. Ainsi, à la faveur d'une entreprise de presse,
apparaissait le nom de plume de Gérard Labrunie. Bouchardy, quant à lui, signa A. B. Dechesne
ou A. B. de Chesne.
Le ministère de l'Instruction publique, qui avait alors la tutelle des Beaux-Arts, répondit
négativement par deux fois à leurs demandes de subventions. En avril 1836, Gérard fut dépossédé
du Monde dramatique au profit de Caboche, demeuré son créancier – le journal parut jusqu'en
septembre 1841, mais châtré de toute l'audace initiale insufflée par son créateur. Quant au Carrousel,
après une trentaine de livraisons irrégulières, il disparut définitivement en juillet 1837.
Le prospectus conservé ici fut en partie – sinon en totalité – rédigé par Nerval : l'article sur
l'aristocratie en France qui s'y trouve, non signé, reparut dans Le Messager du 6 septembre 1838
avec cette indication : “Par M. Gérard de N***.”
À quatre reprises – trois fois dans la brochure et une fois en tête de la lithographie intitulée
“Maja” – l'exemplaire porte la mention autographe signée suivante :
Je certifie la gravure conforme à toutes
celles que je me propose de publier
G. de Nerval
Ces bons à tirer autographes signés “G. de Nerval” attestent, pour la première fois,
du nouveau nom de plume de Gérard Labrunie.
Les autres estampes sont certifiées et signées pour 13 d'entre elles par A. B. de Chesnes ou
Dechesnes, alias Bouchardy, et 15 par Théodore Junca ; 2 épreuves sont certifiées et signées par
Dezambre. La numérotation des gravures, conforme à celle du journal, est parfois lacunaire, Le
Carrousel ayant également publié des planches architecturales correspondant aux numéros absents
de la suite contenue dans cet album.
Le destin de ces feuilles signées par Gérard de Nerval est singulier : elles ne furent pas réunies
par un amateur de l'auteur des Filles du feu, mais bien par un collectionneur d'estampes de Gavarni,
comme le montre la reliure. Ces “incunables autographes” de Nerval doivent ainsi à la vogue de
Gavarni, bien oublié depuis, d'avoir survécu…
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