Description
général : Les Journées
de Florbelle ou la Nature dévoilée suivies des mémoires de l’abbé de Modose et des aventures
d’Emilie de Volnange (…). Sans lieu [Charenton], adopté invariablement le 25 avril 1807 en finissant
l’ouvrage.
Manuscrit autographe de 17 feuillets ; cartonnage de papier rouge de l’époque.
Extraordinaire cahier autographe sauvé de la destruction et disparu depuis plus de soixante ans :
ultime témoignage du versant noir de l’oeuvre du marquis de Sade, ce “bloc d’abîme”.
Retenu dans l’asile de Charenton depuis 1803, le marquis de Sade avait entrepris l’écriture d’un
grand roman érotique pour compenser la perte du rouleau autographe des 120 Journées, disparu lors
de la destruction de la Bastille (il ne sera retrouvé que bien après la mort de l’auteur). Cet ouvrage
monumental remplissait, d’après l’estimation de Gilbert Lély, pas moins de cent huit cahiers.
Ayant eu vent du projet et des activités de son père, Donatien-Claude-Armand de Sade envoya la
police à Charenton, laquelle saisit tous les papiers du proscrit le 5 juin 1807. Le manuscrit des
Journées de Florbelle fut brûlé juste après la mort de l’auteur en présence du fils. Seul ce cahier échappa
à l’autodafé, grâce au secrétaire du préfet de Police : il demeure la trace unique du grand oeuvre
dont il donne un aperçu détaillé, fournissant ainsi, “une image suffisante pour nous faire regretter
l’anéantissement d’un ouvrage dont la puissante conception multiforme devait s’offrir comme une
véritable encyclopédie de la pensée sadiste” (Gilbert Lely).
“Le titre général de la vaste composition du marquis, ‘adopté invariablement le 29 avril 1807,
en finissant l’ouvrage’, et qui en traduit fort bien le caractère, est le suivant : Les Journées de Florbelle
ou la Nature dévoilée, suivies des mémoires de l’abbé de Modose et des Aventures d’Emilie de V olnange, servant de preuves
aux assertions. Deux cents gravures sont prévues. L’épigraphe, pleine d’énergie, est empruntée à
Sénèque : ‘La véritable liberté consiste à ne craindre ni les hommes ni les dieux.’ (…)
Le titre primitif était : Valrose ou les Écarts [variante : Les Égarements] du libertinage, puis fut transformé
en celui de : Mémoires d’Émilie de Valrose ou les Égarements du libertinage , accompagné de l’épigraphe
suivante : ‘C’est en montrant le vice à nu que l’on ramène à la vertu.’ Ensuite en marge de ce titre,
l’auteur a signifié que son héroïne s’appellerait non plus Valrose, mais Volnange. Indiquons enfin
qu’avant d’adopter son titre définitif, Sade avait, par antiphrase, envisagé celui-ci : Les Entretiens du
château de Florbelle, ouvrage moral et philosophique suivi de la sainte Histoire du bienheureux abbé de Modose et des
Mémoires pieux d’Émilie de Volnange, ornés de gravures édifiantes.
Le cahier du marquis ne contient nulle analyse des Mémoires de l’abbé de Modose . Les quatorze notes
qui le concernent sont trop particulières pour nous renseigner sur l’ensemble de la fiction. Des
Aventures d’Émilie de Volnange, le contenu de plusieurs épisodes nous est fourni en une cinquantaine
de notes et d’observations. On y constate que l’héroïne est une réincarnation de Juliette et que
l’auteur a mis en scène dans son roman des personnages historiques de l’ancien régime : Louis XV,
le cardinal de Fleury, le comte de Charolais et le maréchal de Soubise.
À quelle époque M. de Sade a-t-il composé les Journées de Florbelle ? Son cahier ne nous fournit
d’indications chronologiques que relativement à la troisième partie de cet ouvrage, les Aventures
d’Émilie : leur mise au net, commencée le 5 mars 1806, a été achevée le 25 avril 1807, soit en ‘treize
mois et vingt jours’ ; de plus, une étape de cette mise au net est précisée par l’auteur : le premier
volume des Aventures d’Émilie était terminé le 10 juillet 1806.
Au moyen des différentes analyses, observations et notes contenues dans le cahier du marquis
– le tout très fragmentaire et souvent assez confus –, il est possible de reconstituer le plan
des Journées de Florbelle, et d’en fournir ainsi une image suffisante pour nous faire regretter
l’anéantissement d’un ouvrage dont la puissante conception multiforme devait s’offrir comme
une véritable encyclopédie de la pensée sadiste” (Gilbert Lely).
Le manuscrit est parfaitement préservé dans un cartonnage de l’époque en papier rose.
Il a appartenu à l’historien Louis de Monmerqué (1780-1860), avec longue note autographe sur la
doublure : “Mss. Autog. de M. de Sade. C’est l’extrait d’un roman infâme qui a été détruit par M. Delavau, préfet de police,
en présence et sur la demande de M. de Sade, le fils, aujourd’hui député. M. du Plessis secrétaire particulier de M. Delavau
retira divers papiers du Mis de Sade et il m’a donné celui-ci, comme une curiosité. (…) Un autre roman de de Sade était
disparu de la préfecture de police, on a attribué ce détournement du chef de bureau Boucheseiche. ”
À la fin, Monmerqué a recopié d’autres pièces et noté : “Une personne qui travaille au dépôt de
la Guerre et qui vient de temps à autre causer avec moi au Sévigné, me disait, en reconnaissant
ce cahier écrit de la main du marquis de Sade, que cette écriture était toute remplie de lancettes.
1er août 1847. M.”
Lely, Vie du marquis de Sade, pp. 643-645 : “Tout ce que l’on peut savoir des Journées de Florbelle est contenu dans la reproduction
photographique d’un mince cahier inédit de notes autographes du marquis de Sade dont l’original a disparu au cours de la dernière guerre.”