Lot n° 37

MONTESQUIEU, Charles-Louis de Secondat, baron de. Lettres persanes. A Cologne, chez Pierre Marteau [Amsterdam, Susanne de Caux], 1721. 2 volumes in-12 de 1 titre rouge et noir, 311 pp. ; 1 titre rouge et noir, 347 pp. : veau havane, dos à nerfs...

Estimation : 60000 / 80000
Adjudication : 50 000 €
Description
ornés, pièces de titre et de tomaison de veau beige, filet et roulette dorés encadrant les plats,
fleurons aux angles, armes frappées au centre des plats supérieurs, roulette à froid sur les coupes,
tranches rouges (reliure de l’époque).
Précieuse édition originale du premier livre emblématique des Lumières.
Montesquieu y expose déjà des idées sur la liberté, le despotisme, la justice et les lois, qu’il
développera dans l’Esprit des Lois. En invitant les Français à s’observer à travers la correspondance
de Persans imaginaires en visite à Paris, l’auteur invente le regard sociologique.
Une impression anonyme et clandestine.
Le magistrat bordelais ne pouvait guère être édité en France, du fait de ses jugements sans
compromis sur la religion ou le gouvernement. “Pour être sûr que le secret fût bien gardé et
que l’impression fût bien faite, Montesquieu confia son manuscrit à son secrétaire qu’il envoya
à Amsterdam. Celui-ci y séjourna jusqu’à la fin de sa mission, qu’il couronna en mettant sur la
première page du livre un nom de libraire supposé et un lieu d’impression inexact” (Vian). Les
Lettres persanes furent ainsi publiées clandestinement en Hollande, sans nom d’auteur et à ses frais.
La question de l’édition originale a donné lieu à bien des controverses depuis un siècle, d’autant
plus que huit éditions et contrefaçons virent le jour en 1721. Le chiffre communément reçu de
douze éditions est lié à l’identification de simples états ou émissions.
De fait, l’édition originale a été imprimée à Amsterdam par Susanne de Caux, veuve de l’éditeur
Jaques Desbordes. Sur les titres figurent la fausse adresse “A Cologne, chez Pierre Marteau” ainsi
que deux fleurons distincts : un monogramme pour le tome I et deux anges pour le tome II.
L’ouvrage fut réimprimé en France, la même année, avec l’adresse fictive de “Amsterdam, Pierre
Brunel” : Rochebilière attribue le groupe d’éditions portant le nom de Brunel à des presses
rouennaises.
Une des grandes éditions originales littéraires parmi les plus difficiles à rencontrer.
Edgar Mass note que le succès immédiat et retentissant fut une surprise pour l’éditeur pris au
dépourvu, alors qu’il n’avait pas même gardé la composition typographique.
Un exemplaire est conservé à la Réserve de la Bibliothèque nationale de France. Il provient du
fonds Rothschild, sans figurer au catalogue imprimé rédigé par Picot. Et, en tête de l’édition des
OEuvres complètes de Montesquieu (Oxford, Voltaire Foundation, 2004), se trouve le recensement
des huit autres exemplaires conservés dans les collections publiques : Anvers (Musée Plantin-
Moretus), Cambridge (University Library), Harvard (Houghton Library), Mannheim, Oxford
(Bodleian Library), Soleure, Uppsala, Wolfenbüttel.
Précieux exemplaire en reliure de l’époque aux armes d’Étienne-Sigismond de Tavel
(1687-1755), bailli de Vevey.
Les armoiries frappées uniquement sur les plats supérieurs portent en pied ses initiales E.S.D.T.
En 1733, Tavel vendit aux Bernois sa maison de famille pour en faire la résidence des magistrats
de la cité.
Nul n’ignore la rareté des premières éditions des classiques français en reliure contemporaine
armoriée. Les Lettres persanes ne font pas exception à la règle, et il faut remonter au début des années
1970 pour trouver trace d’un exemplaire comparable à celui-ci.
Ex-libris manuscrit ancien sur les gardes : R.F. Sprüngli, et ex-libris de la bibliothèque Raymond
Linard. Mors un peu frottés. Or terni.
En français dans le texte, Paris, 1990, n° 138 : l’édition décrite n’est pas l’originale.- Tchemerzine-Scheler, IV, p. 920.- Rochebilière,
n° 770.- Mass, Les Éditions des Lettres persanes, in Revue française d’histoire du livre, 102/103, 1999, pp. 19-53.- Vian, Histoire de
Montesquieu, p. 56-57.
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