Lot n° 279

Louis-Bernard GUYTON-MORVEAU et Claude-Antoine PRIEUR de la CÔTE d’OR (1763-1832, conventionnel). L.A. (brouillon) comme commissaires de la Convention Nationale, Blamont 27 octobre 1792, à leur collègue Jacques-Pierre Brissot de Warville ; 10...

Estimation : 1000 / 1200
Adjudication : 1 000 €
Description
pages in-fol., la première moitié par Prieur, la fin par Guyton (lég. mouill. sur le bord inférieur des premiers ff.). Important rapport en deux parties sur la ville suisse de Porrentruy, écrit par Prieur et Guyton en mission aux frontières des départements du Doubs, de l’Ain et du Jura. Prieur s’est chargé d’exposer la situation militaire, et Guyton la situation politique. [Porrentruy, siège des princes-évêques de Bâle, avait été pris et occupé par les troupes du général Custine à la fin d’avril 1792 ; le 25 mars 1793, le « pays de Porrentruy » sera annexé par la République française sous le nom de département du Mont Terrible.] Ils adressent à Brissot le récit de leur journée à Porrentruy, afin qu’il en fasse part au Comité diplomatique, ou même à la Convention. À leur arrivée le 25, les généraux Ferrier et Falck les attendaient, et Ferrier leur expliqua la situation sur de très bonnes cartes : « lorsque la France le voudra ses ennemis ne pourront pas envahir son territoire par cette partie de ses frontières. Mais dans ce moment le général Ferrier placé à Hessingue à une très grande proximité de Basle n’auroit pas à beaucoup près les moyens de résister à une irruption des autrichiens qui passeroient le Rhin à Rhinfeld »... Ils soumettent à la considération du ministre leurs observations de Ferrier, concernant son patriotisme, sa connaissance de la topographie du pays, son talent diplomatique, son éloquence, ses rapports avec les troupes et sa dignité ; par ailleurs, ses défauts sont « peut-être une trop grande loquacité », et « une ambition d’avancement qui paroit insatiable »... Cependant par « une bisarrerie singulière », Ferrier a moins de troupes que son inférieur Falck... Les commissaires approuvent ses dispositions de défense, et son exaltation du patriotisme populaire des Bâlois, mais Ferrier serait mieux placé sous Biron que sous Harambure, un aristocrate qui « a mille moyens pour paralyser la meilleure volonté »... Ils recommandent aussi de retirer Falck du pays : « Il nous paroit bien éloigné de ce degré de patriotisme si nécessaire aujourd’hui dans les chefs de l’armée [...]. Il est tout à fait inhabile aux correspondances écrites aux négotiations délicates que la position du pays nécessite » ; enfin ils doutent de sa bonne foi, le comparent à Luckner, et déplorent que depuis son installation dans le pays, les aristocrates aient repris de l’ascendant... Le maintenir ici risquerait « d’aigrir les patriotes de nos troupes et du pays de Porentruy qui finiroient immanquablement par se porter à des désordres, ou à des violences qu’il est si difficile d’arrêter dans un pays en révolution »... Abordant les « dispositions politiques » des habitants, Guyton expose que l’arbre de la Liberté planté à Porrentruy le 21 ne l’a pas été par les troupes françaises, mais par les habitants eux-mêmes dont une délégation a remis aux commissaires une pétition pour la Convention nationale, en vue d’« obtenir la protection de la France à l’effet de pouvoir délibérer librement sur leurs interets communs », convoquer des états, former des assemblées populaires, « pour recouvrer leur Liberté et secouer le joug du Despotisme »... La visite de la Régence, le lendemain, fut peu satisfaisante, et les commissaires estiment « que le sentiment de l’oppression est porté à un point qui ne peut manquer d’amener une révolution parmi les patriotes [...]. On nous a même insinué que l’on ne differoit la destitution des autorités actuellement existantes que jusqu’après notre départ et pour ne pas nous obliger d’en être témoins »... Guyton rend compte de l’interrogatoire auquel ils ont soumis le commandant le plus ancien en grade de la garnison, concernant les événements du 21 : « il croioit avoir tout fait en envoiant des patrouilles pour disperser la populace. Le 1er lieutenant colonel du 1er bataillon de la Corrèze eut le courage de lui reprocher devant nous plusieurs propos qui prouvoient son attachement à l’ancien Régime », et cinq sous-officiers et volontaires ont témoigné que le commandant « avoit menacé de la prison ceux qui chanteroient Ça ira et Vive la nation, vive la Loi, point de Roi »... Ils ont ordonné sa suspension, et pour le remplacer, ont jeté les yeux sur son accusateur, le citoyen Delmas ; ils ont requis le retrait de son bataillon afin de prévenir une quelconque manœuvre de la part d’Harambure... Enfin ils ont fait savoir « qu’une nation puissante et généreuse ne feroit rien qui put être considéré comme infraction au traité en vertu duquel elle occupe pour sa sureté le territoire » ; qu’elle ne méconnaîtrait pas les droits qu’elle a reconnus à tous les pays de la terre, ni ne servirait, chez ses voisins, un pouvoir oppressif. Cependant « l’oppression devient chaque jour plus insupportable aux habitans. Les patriotes sont désarmés et à la merci des partisans du despote [...] les satellites du prince montent encore la garde à l’une des portes du château quoiqu’il soit occupé par nos troupes ; enfin le croirez-vous il y a actuellement une procédure commencée à Delémont contre des françois par les juges du prince, au mépris des traités »... Falck n’est pas l’homme qu’il faut, mais Ferrier assure qu’il sera facile de lever une légion de 1500 hommes : « vous concevez qu’après avoir servi utilement pour nous elle deviendroit naturellement la garde nationale du pays »...
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