Description
la châtelaine de Montrozier pendant l’Occupation. 1941. [Montrozier (Aveyron) début septembre]. Il se sent vaseux, mais il est levé depuis 6 h et il travaillote. « M. Rey doit être le beau-frère de ma fille. S’il est chargé des missions, inutile, je crois, de sonner Albert Ier »... Montpellier [13 septembre]. Il se sent dépaysé, après avoir pris l’habitude, chez la comtesse, d’être choyé, et « de goûter chaque jour un mélange délicieux de loisir, de solitude, de compagnie, de vague méditation et de conversation (parfois trop hardie – je m’en excuse) ; bref, de vivre selon l’amitié la plus simple et la plus harmonique »... Dans son « Abbaye aux Dames », il était « un peu mon Dritte Faust chez les Fées »… Marseille 17 [septembre]. Il réitère le charme de son séjour à Montrozier, « ce temps d’intimité charmante... et de bouillons de légumes ». Il annonce son départ pour Vichy, « puis Paris, la zone occupée – la scissure. Cependant, il a fallu des catastrophes et cette affreuse mesure pour que nous nous connaissions mieux »... Paris 10 octobre. Il évoque avec reconnaissance son séjour alors qu’il était « en mauvais état » et « patraque »… Il va recommencer son cours… « Dites mille choses pour moi à Madame la Mer et à Monseigneur le Soleil. Le 30 de ce mois, il y aura 70 fois que ce grand astre aura joui de ma présence »... Jeudi. Invitation à entendre chez le Dr Bour, « Mary Marquet dire un peu du Narcisse », avec des pièces pour flûte et piano jouées par Gaubert et Maas ; il prie le comte d’appuyer sa demande de « médaille de vieux serviteur » en faveur de son « antique cuisinière »... 21 décembre. Il ne veut pas laisser « filer dans le sablier cette mourante et obscure année » sans rappeler les jours « doux et indisposés […] passés dans l’Abbaye aux Dames, légumes compris »... 1942. 18 avril. Il est « en pleine… rogne », ayant reçu son laissez-passer en retard : sa conférence à Lyon, et sans doute Limoges et la visite à Montrozier sont manqués. « Ah ! Les printemps m’en veulent ! La bêtise des poètes, d’avoir chanté ces pubertés agrestes ! […] Je mets à vos pieds un nerveux et lamentable vieillard et ami ». [Limoges 22 mai]. Instructions concernant divers objets laissés à Montrozier, dont un calepin et des livres (Joyce). Le Dr Périgord lui a radiographié « ce fameux estomac nerveux. Il a fait mieux. J’espère, grâce à lui, avoir [...] de quoi chausser mes pieds ! – Quant à la conférence, elle fut ce qu’elle fut. Théâtre plein »... [Paris] 18 juin. Il ne sait ce que sera son été, mais pense au « château ami […] M. votre époux sort d’ici. Je lui ai exhibé de sales manuscrits dont celui de la J. Parque »... 10 août. Il a eu des ennuis, dont l’hospitalisation de sa fille, « et puis la maudite insomnie. Et je devrais travailler plus que jamais ! » Il craint aussi les conditions de voyage : « la vie est impossible aujourd’hui. Pardonnez-moi de vous écrire dans un flot d’humeur massacrante »... 24 août. Sur son imbroglio d’été : accident de sa fille, chute de sa femme, projets de voyage en zone franche, et « peu de rendement utile. Mais, à quoi ? On m’a refusé le papier du volume tout prêt »... 2 septembre. Mme J.V. [Jean Voilier] ne peut le recevoir à Béduer. « D’autre part, j’ai ici femme et fille en état peu prospère ». Mais il espère aller à Montrozier, et « un peu encore m’abriter sous votre aile, poussin de 71 printemps ! Et de quelle humeur ! Car je suis de la pire. Le travail en masse mais tant d’autres idées en tête »... 21 septembre. Il sera son hôte pour peu de temps : « Mon papier rouge est consumé aux deux tiers et je laisse ici beaucoup de travail que ce vilain été n’a pas voulu accomplir »... Lundi [19 octobre]. Récit de sa nuit de retour en train, où trois paires de narines exécutaient en canon dans une atmosphère sans courant d’air, le Nocturne en dodo mineur » ; remerciements... 18 novembre. « Je travaille. Mon cours reprendra le 9 janvier. Mais il faut faire aussi bien d’autres choses que j’avais acceptées en prévision de ma cessation de fonctions ! Figurez-vous que les M.P. font quelque bruit. Même si à l’Académie et des gens imprévus se réjouissent ou se scandalisent de les avoir lues... Un directeur connu de théâtre de genre veut absolument que je fasse qq. chose pour lui »... [4 décembre]. Évocation d’un dîner donné par M. Gay au Fouquet : « Il y avait aussi des frites, chose presque fabuleuse »... 28 décembre. « Je trébuche d’incidents fâcheux en incidents pénibles. Pas assez de globules rouges et trop de blancs. Bref, on se délabre, et l’esprit ne se reconnaît guère plus dans ce qu’il tente de faire. Rien de plus déprimant que ces offensives de travail presque aussitôt arrêtées, noyées dans le vague et l’ennui »... 1943. 19 janvier. Remerciement pour le « pavé veiné d’azur », et l’« alérion » ; une bronchite l’a empêché de reprendre son cours : « 30 leçons à créer et à débiter !.. Le pauvre vieil homme en est accablé d’avance » »... [Janvier ?]. Il devrait être en chaire, mais il est au lit, démoli. « L’année s’y prend fort mal avec moi. Il n’y a qu’un avantage à ce triste état – c’est de raviver le souvenir des soins, tendres bouillons, bêtises tolérées quant aux propos, canules transcendantes »... 20 juillet. Spirituel remerciement pour l’envoi de roquefort ; il pense « au départ vers vos mâchicoulis. Bientôt le petit vieux, dans son plaid à carreaux, / Viendra vous demander le sommeil de la nuit. / Lui qui tombe le jour, lourd comme ses paupières, / Espère à Montrozier, toutes grâces rendues, / Retrouver (sauf respect) bien des choses perdues »... 3 août. Il a retenu sa place pour Rodez. « Si j’en croyais maint dire ou pronostic, je n’aurais pas bougé. Donc, je bouge ! »... – Exposé à « Seigneur Robert » de ses maux physiques ; et c’est « cet affreux vaisseau à secrets, à ceintures de douleurs, à poignances, à imminences de vertiges auquel vous avez adressé ces ravissantes Roses lesquelles eussent plus dignement fleuri les pieds de votre Venerable Doña Juana de l’Asuncion »... On joint quelques documents et copies, dont une l.a.s. de François Valéry sur son père (1945).