Description
tracasseries administratives dont il est victime, sa décision de quitter la Suisse, et sur son amie et future femme Maria Koudacheva (qu’il épouse en 1934). Villeneuve 18 mars 1925. Il est tout prêt à signer ses volumes. « Pour le Colas Breugnon, je n’ai malheureusement pas de feuille qui puisse convenablement s’encarter dans le volume. [...]. Nous espérons que vous pourrez un jour nous faire le plaisir de déjeuner à la villa Olga. [...] Gémier me télégraphie qu’il reçoit “avec joie” mon Jeu de l’amour et de la mort »... 2 mai 1926. Le département de Justice et Police du canton de Vaud lui intime l’ordre, ainsi qu’à sa sœur et à leur père de 90 ans, de lui soumettre : « 1° notre casier judiciaire ! 2° nos actes de bonne vie et mœurs ! 3° nos références en Suisse ; 4° nos références à l’étranger », exigence blessante et saugrenue puisque depuis 44 ans il passe quelques mois tous les ans en Suisse, et qu’il y a passé dix ans entiers, par deux reprises. « Ma présence rapporte à la commune et au canton des avantages non douteux. J’attendais, en retour, un peu de déférence, – ou, à tout le moins, qu’on me laisse œuvrer et mourir en paix. Je croyais l’avoir mérité par tout ce que j’ai fait pour la Suisse (et je ne rappellerai ici que le don d’une partie de mon prix Nobel). Je n’admets pas qu’on m’inflige de telles humiliations »... Il prie Péron (alors chef-adjoint du cabinet du ministre de l’Instruction publique) d’appuyer auprès du ministre de Suisse à Paris, la protestation qu’il écrit à Berne... Vitznau 27 juillet 1930. « Une amie russe, Madame Maria Koudacheff, qui est venue de Moscou pour me voir et pour aller voir ensuite en France nos amis communs Duhamel et Vildrac, a un passeport régulier » ; mais Rolland craint qu’elle n’ait des difficultés en entrant en France par d’autres voies que celles indiquées sur le passeport et prie Péron de le régulariser. Il précise que Mme Koudacheff « est Française par sa mère, et qu’à Moscou, elle est actuellement la secrétaire du prof. Kogan, président de l’Académie des Sciences d’Art »... Villeneuve 24 octobre 1933. Exposé confidentiel de la situation de Mme Koudacheff, citoyenne soviétique bénéficiant d’un permis de séjour en Suisse, renouvelé annuellement. « Elle habite à Villeneuve, dans ma maison ; elle est associée à ma vie et à mon travail ; nous sommes liés par une déjà ancienne affection ; je la considère comme ma femme. L’incertitude des temps et l’état de crise permanent font qu’un citoyen français et une citoyenne soviétique qui vivent en Suisse risquent, à tout moment, d’être séparés. Pour éviter ce risque et pour assurer la situation de Madame Koudachef, j’ai résolu de l’épouser ». Il aimerait savoir quelles sont les formalités... 9 mai 1934. « J’ai à vous consulter sur un cas juridique qui me concerne et qui est très urgent. Je voudrais vous voir personnellement »... 20 septembre 1934. Recommandation de René Plaud, 27 ans, secrétaire du Comité mondial de la jeunesse au Comité mondial contre la guerre et le fascisme, à Paris, actuellement en traitement médical à Genève et convoqué devant le conseil médical du consulat en vue de son service militaire. Des certificats attestent l’état précaire de sa santé, « encore ébranlée par un récent emprisonnement dans les geôles infectes de Pologne » où il s’était rendu pour organiser un Congrès national de la jeunesse. Il serait souhaitable que Plaud fût réformé, pour sa santé, et pour les grands services « à la cause (qui est la nôtre à tous) de l’organisation mondiale de la jeunesse contre la guerre et le fascisme. [...] Je n’ai pas besoin de vous dire avec quel intérêt j’ai suivi les récents débats de la S.D.N et combien je me réjouis d’y voir entrer l’U.R.S.S. J’en suis heureux, comme Français et comme défenseur de la paix mondiale, dont l’U.R.S.S. est, par essence ou par nécessité même d’existence, un des piliers les plus puissants et les plus certains »... 8 février 1937. Long exposé de ses vaines démarches auprès de la direction des Postes de Lausanne, et auprès de l’ambassadeur de France Alphand, pour que l’on cesse d’intercepter L’Humanité et les journaux soviétiques auxquels il est abonné. S’il n’y a plus « en Suisse, pour un vieux travailleur intellectuel comme moi, assez d’air pour respirer, je serais bien forcé d’aller chercher cet air, ailleurs »... Depuis 14 ans, il s’est interdit de prendre part à quelque action ou manifestation politique que ce soit, en Suisse, et même d’écrire dans la presse ou de parler en public. « Il est intolérable qu’un écrivain de mon âge, qui croit pouvoir dire sans orgueil, que son grand travail fait quelque honneur à son pays et au pays dont il est l’hôte, se voie brimé comme un collégien »... S’il est impossible de faire respecter ses droits, « il ne me restera plus qu’à quitter la Suisse, en faisant juge l’opinion »... 5 mars. Nouvelles preuves de l’interception de la Pravda et des Izvestia, et nouvelle prière d’intervenir auprès des autorités suisses. « Il n’est vraiment pas possible de laisser faire ces violations des conventions internationales, sans protester »... 6 mars. Aucun numéro du nouveau journal Ce Soir, dirigé par Jean-Richard Bloch et Aragon, ne lui est parvenu ; le 1er numéro comportait un article du ministre des Sports, Léo Lagrange. « De quel droit ose-t-on saisir un journal français du Front Populaire »... 25 mai 1937. Après ses protestations inutiles sur l’interception de son courrier, « j’ai décidé, avec ma femme, d’abandonner mon domicile en Suisse, et de m’établir en France ». Cependant comme le bail de sa villa n’expire qu’en 1940, il envisage d’y revenir en qualité d’étranger en villégiature, environ 5 mois par an. Or l’achat d’une voiture française en Suisse l’expose à des droits de douane français très élevés... On joint 3 enveloppes autogr. au même (1926) ; plus 7 l.s. de sa veuve Marie Romain-Rolland à J. Péron (1948-1949), divers documents relatifs à sa naturalisation française, et une carte de membre des Amis de Romain Rolland au nom de Péron.