Description
question de Là-Bas, d’En route (février 1895) et du Satanisme et la Magie de Jules Bois (avec préface de Huysmans, juin 1895), aussi bien que du goût d’Huysmans pour les cathédrales, les retraites monastiques, le symbolisme catholique et l’occultisme. 29 août 1864. Lucien Descaves a passé, près de Boulogne, « une villégiature toute de boue et de pluie […] Buvez de l’air et fouettez de l’eau, approvisionnez vous de santé avant que de revenir dans la bagarre ». Lui-même mène une existence imbécile, qui le laisse hébété, mais il se guérira par une cure de silence chez les moines. Il l’entretient de ses relations occultistes, à Lyon : « Wirth est allé voir M. Misme et a fait des avances. [...] Guaita l’aurait envoyé comme ambassadeur et s’apprêterait lui-même à venir, après avoir ainsi tâté le terrain. M. Misme dit ne pas lui avoir mâché ses vérités et il m’écrit que si Guaita venait, il se montrerait “dans toute sa splendeur”. Tout cela, c’est très bien, mais je me demande ce qu’ils mijotent ! – Qu’est-ce que Wirth et l’autre veulent ? Ils ont évidemment un but ; et comme ils sont autrement malins que notre pauvre ami, nous pouvons nous attendre à quelque coup nouveau de leur part »... Il parle aussi de l’affaire « ridicule » de « cet Huitric qui a assassiné une parfumeuse. Le Procureur lui reproche d’avoir été acheter Là-Bas et d’avoir lu ce livre ! Pour un peu, je serais cause du crime. Non, ce que la bêtise humaine est insondable ! – J’ai répondu à ces niaiseries dans Le Jour qui est venu m’interviewer sur ce magistrat bizarre qui joue les psychologues »... 1895. Vendredi matin [4 janvier]. Obligé de filer de bonne heure, avant d’aller à Sainte-Anne, il l’invite à dîner dimanche : « Je mettrai au net mes épreuves sur le succubat et pourrai vous les remettre. [...] Ah ! mon pauvre Bois, vous saignez sur votre livre. Je suis dans un semblable état. J’ai beau chambarder tous les placards et retarder ainsi je ne sais plus jusqu’à quand l’apparition de ce malheureux livre [En route], il n’en est ni plus succulent, ni meilleur »... Il fait allusion aux complications d’une « affaire d’Amérique » et de « l’affaire du Figaro » : « je me sens souillé »... 15 janvier. Il s’indigne contre l’éditeur du Satanisme, Léon Chailley, puis du sien [Pierre-Victor Stock], qui commence à le fâcher pour de bon : « Oui, vous le dites, faire de la littérature c’est au-dessous de tout. Tous les déboires, toutes les iniquités, tous les tracas sont réunis là. C’est une vocation de bagne intellectuel, que celle-là ! »... Lundi de Pâques [15 avril]. Nouvelles de « la maman Thybaut », à Lyon ; lui-même souffre d’une névralgie... Mercredi [17 avril ?]. Il se plaint vivement des tracas provoqués par la Semaine Sainte ; le bureau est pour lui un purgatoire. « Mais laissons ces tribulations expiatrices. Il vient de se passer quelque chose d’assez étrange. Les Lucifériens veulent entrer en scène. La Diana Vaughan, vient de faire paraître le 1er numéro d’une revue de propagande Le Palladium. [...] la niaiserie des arguments qu’elle sort contre Adonaï n’est surpassé que par la qualité vraiment fétide des outrages à la Vierge et des blasphèmes »... Cependant ce sera excellent pour leur préface, « car c’est un document probant sur le Satanisme »... Il parle d’un incident au Sénat, le Vendredi Saint, et de ses occupations pendant la semaine. La presse continue sur En route : Le Pelletier « expectore naturellement les plus bas des sacrilèges ; au reste, pour le moment, les libres penseurs ahuris par la première bordée de toute la presse, se remettent et vomissent. – C’est bon, cela »... Dimanche [26 mai]. « Je repense qu’il serait tout de même plus sage que Chailley m’envoyât les épreuves en placards – et en double, car je suis toujours plein de mots répétés qu’il faudra émonder. N’infligeons pas de frais à ce noble homme ! »... 31 mai. Prière de presser Chailley pour les épreuves, à cause de l’attention prêtée au livre par la presse catholique belge... 18 juin. À sa place, il aurait haussé les épaules à la lecture de l’article, « et laissé à l’inévitable Justice le soin de châtier la si parfaite mauvaise foi de cet homme. [...] Ai-je besoin de vous dire que si l’on regrette amèrement de n’être pas un saint, pour être au moins presque sûr d’obtenir Là-Haut ce qu’on demande, c’est dans ces moments-là »... 7 septembre. Il se plaint de la « cendre de l’abêtissement » qui lui couvre le cerveau depuis un mois dans son « bagne » : « Ah ! je suis loin pour l’instant de mes cathédrales et de la symbolique religieuse ! »... Il lui garde un article de l’abbé Moeller sur le Satanisme. « Je connais aujourd’hui, la personne qui a monté le clergé contre moi, à propos d’En route, qui a chapitré le Méritant de St Sulpice et inspire le P. Nourrit des Jésuites. C’est de Broglie (!!!) ce catholique libérâtre, haïsseur de mystique est ulcéré par ce bouquin »... 25 septembre. Il sort du Purgatoire dans un état mental inquiétant : « l’impossibilité de récoler deux idées, de souder des bribes de souvenirs, et, dominant cet état d’âme de bureaucrate, une indifférence absolue de littérature, une fatigue incroyable d’art. C’est le vrai tædium vitae de l’état monastique, avec cette différence qu’au cloître, on vit quand même en des idées divines, dans une caresse de mélodies, dans une très douce incantation de psaumes, tandis qu’ici, cette torpeur confine à l’idiotie, trempe dans de rares idées aussi absurdes que basses »... En partant le 28 pour le monastère de Glanfeuil, dans une île sur la Loire, il espère se réintéresser à la symbolique et aux cathédrales. « Malheureusement, ce sont des Bénédictins qui habitent cet antique cloître et il y a longtemps que mes illusions sont évanouies, à propos de cet ordre. Le Prieur [...] est à coup sûr, un précieux imbécile »... Il se rendra aussi à Solesmes, voir l’abbé de la Congrégation de France, et à Tours, Poitiers et Bourges... Il fait la leçon à son ami sur l’inévitable impuissance qui suit un long livre, et les remèdes. « Quand on n’est pas outillé pour déféquer de la prose, à foire continue, il faut se ménager pour de futurs livres ou alors devenir des Maizeroy et des Prévost – mais alors la vidange sent moins fort que son fond d’âme »... Et de se réjouir de l’« inénarrable tatouille » infligée à Montesquiou dans le Gil Blas... [5 octobre]. Une attaque d’influenza a retardé son départ et ruiné ses projets : « Je suis si tranquille, chez moi, loin de l’odieux bureau, allant au Louvre, bouquinant sur les quais, me reposant dans les églises, qu’il me faut la nécessité de visiter d’indispensables cathédrales pour m’inciter à boucler ma valise […] Je suis toujours plongé dans d’inextricables travaux de notes. Plus ça va, plus je m’aperçois qu’il n’y a rien sur le symbolisme catholique du Moyen Âge. Tous les livres qui en traitent sont nuls [...]. ça va être un fichu travail que d’essayer de rétablir cette science-là ! – Et ce que je ne vois pas encore, c’est la façon d’enrober tout ce mastic dans une couverte d’art »...