Lot n° 6
Sélection Bibliorare

Hans BELLMER. L.A.S., Dimanche [Castres 1946 ?, à Joe Bousquet] ; 2 pages ¾ in-4 remplies d’une petite écriture sur papier fin jaune. Importante lettre sur son œuvre, et la place de la Poupée dans le surréalisme. « C’est la...

Estimation : 1200 / 1500
Adjudication : 1500 €
Description
troisième fois que je fais un essai pour vous écrire. – Quand je suis avec vous je suis moi. C’est pour cela que j’ai toujours tant de peine de m’en aller : je me quitte moi-même ; et quand j’erre comme une âme en peine à Castres, c’est que je rôde autour de ma vie absente. – Je ne vous donne plus des détails déplaisants, mais il suffit de dire que ma “femme” continue cette guerre infâme où tous les moyens lui sont bons. – Vous avez eu l’immense gentillesse de me dire que cela vous plairait d’écrire à mon sujet. Cela m’aiderait de retrouver ma vie. Je serais heureux de nouveau et j’oublierais tout sauf mon travail »... Il aimerait lui parler de son enfance, de sa mère, de lui-même, de [sa fille] Doriane, mais d’abord, de sa « situation dans le Surréalisme. Avant tout, il faudrait que je vous fasse parvenir ce que j’ai ici comme échantillons de mes choses essentielles. 1) Le premier volume de la Poupée. 2) Les photos en couleurs de la deuxième série (Les Jeux de la Poupée). 3) La série de dessins dont on m’enverra prochainement des épreuves. 4) Les dessins (peut-être) qui me paraîtraient importants. 5) Quant à l’Anatomie, je copierai encore l’un ou l’autre chapitre pour vous »... Il distingue nettement deux lignes, chez lui : – l’une représentée par « les choses de la Poupée et par l’Anatomie. C’est le côté “ingénieur” égaré, qui tout en étant anti-artistique à fond arrive à des expressions et des solutions poétiques essentielles », – et l’autre par ses dessins et quelques tableaux, « où l’automatisme de la main, le jeu graphique, même une certaine musique de la forme, prédomine, où l’automatisme pur et le naturalisme poussé s’interpénètrent réciproquement »... Ce qu’il croit avoir fait de plus important, c’est « d’avoir introduit dans le monde réel (monde des arbres, des escaliers, des nuages etc.) l’objet – expression – création – du désir, de la rêverie. D’avoir forcé le mariage entre l’objet-création-du-moi et l’objet du monde extérieur (du non-moi) et que ce mariage est réel, objectif, photographiable, à trois dimensions et non seulement imaginé et exprimé (peint ou dessiné). D’avoir créé la possibilité (et c’est essentiel) d’en faire comme une méthode expérimentale qui aime plutôt son propre prolongement, la suite, qui ne s’arrête pas à “la solution”. Un objet comme la Poupée est comme une baguette divinatoire qui, sans vie, approche à tout hasard ; et oblige soudain, le hasard étant bien disposé, l’arbre ou le fauteuil d’avouer ses contenus. [...] l’alliage “poupée-arbre” ou “femme-fauteuil” dégagent cette révélation et cette intensification que nous éprouvons devant l’image poétique [...]. Je crois, en somme, que la Poupée joue un rôle à part dans le cadre de l’objet surréaliste. Elle n’est pas un objet surréaliste proprement dit. L’une ou l’autre de ces compositions de membres est évidemment un objet surréaliste, une solution en elle-même. [...] Mais c’est accidentel. Son vrai sens ne se révèle que dans ses rencontres avec les objets du monde extérieur. [...] Il y a sans doute chez moi une très grande distance, perpétuellement parcourue entre ce qui individualiste au maximum et une volonté d’objectivité dépersonnalisée. – Je n’ai pas assez de recul pour pouvoir dire où cela me place en comparaison avec les autres peintres surréalistes. – Il y en a qui disent que je représente l’érotisme dans le Surréalisme. Mais dans un sens Dali le représente aussi bien. Et le goût du choc, du scandaleux, je ne suis pas seul à l’avoir »...
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