Lot n° 3

Hans BELLMER (1902-1975). L.A.S., Revel 28 juillet 1945, à son ami l’éditeur Henri Parisot ; 4 pages in-4 remplies d’une petite écriture sur papier fin rose. Longue lettre à propos de la nouvelle collection « Âge d’Or/Fontaine »,...

Estimation : 1000 / 1200
Adjudication : 1100 €
Description
aux éditions de la revue Fontaine. Bellmer commente quelques livres qu’il avait proposés pour la collection – Ma vie de Cardan, Anton Reiser de Karl Philipp Moritz, etc. –, et des pages d’Albert Béguin sur le Romantisme allemand. « Anton Reiser c’est ceci : Le livre unique de la manie du désespoir masochiste. Le livre unique de l’objet extérieur, mis en rapport immédiat, concret, avec l’état émotif. De là une poésie atroce doublée d’un “mal d’enfance” atroce. À côté de Novalis, d’Achim d’Arnim, de Brentano etc. ce livre, seul, est un document, des plus émouvants et des plus troublants que je connaisse. [...] si je vous ai dit que je crois être disposé et en mesure de faire des dessins pour ce livre – ce n’est pas dit à tout hasard ! »... Il parle avec moins d’enthousiasme d’Andreas Hartknopf de Moritz, et félicite Parisot de penser à La Comtesse Dolores d’Arnim, mais le met en garde contre L’Invalide fou, que Béguin a traduit, « probablement en prévision de la “collaboration” définitive de Pétain et d’Hitler. Vous n’ignorez pas que Arnim, à côté de sa production générale, de sa pensée automatique, était un poète prussien-national de premier ordre. Donc, dans les écoles allemandes on ne connaissait d’Arnim que deux choses : 1) Poèmes de la libération nationale (platitude nationaliste genre Aragon, Seghers, Éluard etc.) et 2) L’Invalide fou. Quant à la Série de dessins – je suis férocement décidé à la faire comme je vous l’ai dit : si c’est inévitable (matériellement) je ferai ça cahier par cahier. À commencer par le meilleur dessin (la Tour-menthe) accompagné du meilleur texte. Oui, moi aussi, je vais essayer de faire un texte, ce qui n’empêche pas que celui – éventuel – de Bataille ou de Michaux sera probablement supérieur au mien. Pour Paulhan et Arp je suis sceptique »... Il donne quelques conseils pour aborder ces derniers, et livre quelques considérations sur la fabrication : prix, format, possibilité de reproduction de photos de sa Poupée... « Car, vous le savez, je n’ai plus un seul négatif ! Seghers m’écrit des lettres pour m’amadouer. Je veux bien me faire amadouer ; mais une chose est certaine : je publierai que je ne désirais pas et que je ne désire pas collaborer à ses revues. Vous pensez – je me compromettrai en publiant quelque chose avec cet entrepreneur rusé – ce soi-disant Louis Aragon et ses acolytes – les Seghers, les Éluards etc. – Mais je n’y pense pas. Vous verrez, avec moi, dans deux ans, comment ces chameaux-lions auront changés de couleur. Qu’ils mangent leur soupe tout seuls, à ce moment-là. Ma vie est trop emmerdante pour que je ne tienne pas à une intransigeance propre et absolue de l’idée de ma liberté individuelle »...
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