Lot n° 143

Ledoux (C.-N.). L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation... Tome premier. Paris, H. L. Perronneau - Chez l’auteur, 1804, in-folio, maroquin bleu à grains longs, roulette de feuillage et petites

Estimation : 40.000-60.000
Adjudication : 75 000 €
Description
grecques dorées autour des plats avec attribut architectural en angle, dos lisse orné d’un fer plusieurs fois répété, doublure de soie moirée sable, tranches dorées (Rosa). ÉDITION ORIGINALE, dédiée à l’empereur de toutes les Russies. Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), un architecte fonctionnaliste, visionnaire et utopiste, fondateur de l’esthétique industrielle. Architecte renommé, protégé de Mme du Barry, pour laquelle il a construit un pavillon à Louveciennes et qui l’a présenté au roi, Ledoux est nommé commissaire, puis inspecteur des salines de l’Est, au sein de l’administration fiscale de la Ferme générale. Il donne alors les plans de la saline royale d’Arc-et-Senans, destinée au traitement du sel gemme extrait des mines de Salins. Le projet est approuvé par le roi en avril 1774 et la construction commence en 1775. Autour du cœur industriel que constitue la saline, Ledoux, contemporain de Jean-Jacques Rousseau, développe rapidement le projet d’une cité ouvrière idéale, munie de ses équipements socio-culturels (église, marché, cimetière), et des « accroissements dont elle [est] susceptible ». Cependant, s’il écrit que « le roi [Louis XV] arrête le plan général en 1774 », il ne parviendra jamais à obtenir d’approbation royale définitive et la cité ne verra pas le jour. Elle eût constitué « le premier essai jamais tenté d’urbanisme industriel complet et cohérent […] », où la recherche de la fonctionnalité n’eût pas exclu celle de la beauté. L’Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation de Claude-Nicolas Ledoux, une synthèse de l’œuvre et de la pensée de l’un des architectes majeurs du XVIIIe siècle, autour de son utopie de la ville de Chaux. Dès 1773, Ledoux, qui vient d’être nommé à l’Académie royale d’architecture, a entrepris de faire graver ses projets architecturaux et ses réalisations, dans l’intention de publier un ouvrage où il exposerait les conceptions de son art. Le travail s’échelonnera sur de nombreuses années et sera confié à plusieurs graveurs (Nicolas Ransonnette, Masquelier le Jeune, Sellier, Van Maele…), Ledoux n’hésitant pas à faire reprendre les dessins les plus anciens pour les rendre conformes aux théories de sa maturité. Ces théories vont bien au-delà de solutions esthétiques ou même techniques. En homme des Lumières, il importe à Ledoux de participer, dans une approche quasi métaphysique de l’architecture, à l’amélioration des fondements économiques et sociaux de la société de son temps. Ainsi, sans qu’il ait toutefois le dessein de bouleverser l’ordre social établi, les réflexions morales et philosophiques dont il accompagne les planches confèrent à son œuvre une réelle dimension politique. Dans les années qui précèdent la Révolution, la renommée de Ledoux est considérable et des personnalités telles que l’empereur Joseph II d’Autriche, frère aîné de Marie-Antoinette, et le futur tsar Paul Ier visitent ses réalisations et admirent les premières planches de l’ouvrage. L’un et l’autre souscrivent des exemplaires. Bien plus, le tsarévitch accepte par avance d’en être le dédicataire. En 1789, Ledoux lui fait parvenir 273 de ses dessins. Cependant, Paul Ier ayant été assassiné en 1801, c’est son fils, Alexandre Ier, qui recevra la dédicace du premier volume, à sa parution en 1804. Seul tome publié du vivant de son auteur, ce premier volume est entièrement consacré à la saline royale, à la cité idéale de Chaux et au théâtre de Besançon. L’accueil de la critique fut très favorable, qui écrivit : « [Il] place incontestablement son auteur au premier rang des architectes connus. » Trois autres volumes devaient suivre, qui auraient décrit le reste de son œuvre. Seul un second volume, composé par Daniel Ramée à partir des documents et des cuivres laissés par Ledoux, paraîtra en fait en 1846 (v. numéro suivant), il est connu à un très petit nombre d’exemplaires, que les 5 doigts de la main suffiraient à dénombrer. Un titre gravé par C. N. Varin, un feuillet de dédicace transcrit sur cuivre par Dien et 124 planches interprétées par Sellier, Van Maelle, Varin, Ransonnette, Bouinet... d’après les dessins de Ledoux. L’une des planches les plus emblématiques de ce recueil, Le Coup d’œil du théâtre de Besançon, exercera au XXe siècle une vive fascination sur les surréalistes, parmi lesquels Magritte, qui s’en inspirera pour l’une de ses œuvres, Le Faux Miroir (1928). Exemplaire luxueusement relié à l’époque par Frédéric-Guillaume Rosa (ca 1760-1832). Né vers 1760 à Wissemburg (Bas-Rhin), Rosa fut actif comme imprimeur, libraire et relieur entre 1806 et 1820. Il travailla pour Napoléon, Marie-Louise et leur entourage, ainsi que pour des bibliothèques impériales. Il mourut en 1832. Son fils lui succéda. Rare dans cette condition. Coins usés et quelques petites épidermures. Dimensions : 561 x 395 mm. BAL, II, 1805 ; Millard, I, 91 ; Katalog Berlin, 2448 ; Vinet, 303 ; […], Utopie, la quête de la société idéale en Occident, BNF, 2000, p. 136, n° 92 ; Makheva-Barabanova (O.), Ledoux, maître à penser des architectes russes, 2010, passim ; Gallet (M.), Ledoux, Picard, 1980, pp. 222-239, 251-257 et passim ; Oudin (B.), Dictionnaire des architectes, Seghers, 1994, pp. 285-286 ; Rabreau (D.), Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), l’architecture et les fastes du temps, William Blake & Co., 2000, et passim.
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