Lot n° 294

Silvain-Charles VALÉE (1773-1846) maréchal de France. 61 L.A.S. (paraphes), janvier-août 1807, à sa femme, à Strasbourg ; 158 pages in-4, nombreuses adresses, un cachet cire rouge 1er Inspecteur général de la Pologne (petit manque avec perte...

Estimation : 1 000 / 1 200
Adjudication : 950 €
Description
de qqs mots).
Belle correspondance du jeune colonel pendant la campagne de Pologne de 1807. Très amoureux de sa femme, il l’entretient non seulement d’affaires domestiques et familiales, mais aussi, avec une nuance d’ironie, de la vie militaire, ses ambitions et déceptions, et d’observations sur la rencontre des souverains à Tilsit. Les lettres sont écrites de Varsovie, Eylau, Osterode, Königsberg, Tilsit, Dantzig, Breslau et Berlin. Nous ne pouvons en donner qu’un rapide aperçu. Varsovie 3 janvier. Le général Songis a demandé pour lui « un avantage pécuniaire » pour faciliter sa nomination de colonel ». Valée se félicite d’être chef d’état-major de l’artillerie ; « le pauvre Pernety est à faire des sièges de Breslau &c. Il y a été envoyé par l’empereur lui-même ; il a souvent de pénibles corvées qui lui sont occasionnées par l’avantage d’être connu particulièrement de lui »… 12 janvier. Il est enfin colonel. « Il va y avoir encore de l’avancement et des faveurs pour l’artillerie, l’Empereur a écrit hier au gal qu’il voulait la recompenser »… 14 janvier. Quatre ou cinq ans ne sont pas trop longs : « on soutient que l’on est encore jeune femme à 34 ans, on peut être aussi jeune Excellence à cet âge »… Eylau 10 février. « Je ne sais pas si nous partirons d’ici aujourd’hui, nous y sommes fort mal et entassés au nombre de 20 à 30 mille hommes dans une petite ville dont le canon a cassé toutes les fenêtres. La bataille d’avant-hier fut une des plus sanglantes qu’on ait jamais eu, on est, des deux cotés, occupé à lécher ses playes, on se prépare cependant à suivre l’ennemi, il paraît qu’il a plus souffert que nous »… 14 février. Il a été nommé hier colonel du 1er régiment d’artillerie à pied, et M. d’Aboville, commissaire général des poudres. Valée déplore que l’attaque des courriers par « des especes de partisans », prisonniers ou déserteurs, ou « quelques détachements prussiens », ait nui à leur correspondance… Osterode 24 février. « Il paraît que nous nous rapprocherons demain encore de la Vistule, nous irons probablement à Thorn, de là à Posen &c. »… 8 mars. Il est nommé officier de la Légion d’honneur : « Me voila donc au pinacle de ce que je pouvais et de ce que je puis momentanément obtenir […]. On vient de faire une grande promotion dans l’artie, sur un rapport du gal Songis »… Cela lui fait regagner le pas qu’il avait perdu sur beaucoup d’autres : « on dit que c’est un grand avantage d’être offer de la Légion, j’y trouve d’abord celui de ne pas avoir la distinction si commune. Mille francs de plus par an sont aussi pour bien du monde une considération »… Rosenberg 17 avril. « Si j’eus sçu que la peau d’un russe eut pû te faire plaisir, j’avais beau jeu de t’en envoyer, même d’assez belles ; pendant plus de huit jours il y en a eu dans la cour et dans le vestibule de la maison que nous habitions à Eylau. Mais je n’y ai vu que des russes crottés et point de russes fourrés »… 8 mai. « Si les gens qui trouvent que c’est un grand avantage d’être à l’état major, étaient eux-mêmes à l’armée et dans le cas d’en juger plus sainement, ils trouveraient tout aussi avantageux et plus agréable de servir dans un corps d’armée. On y est beaucoup moins mal pour soi-même […] et on a aussi l’avantage de pouvoir s’attacher des princes et des maréchaux […] La faveur est en général un motif de haine : tant qu’on l’a, on vous flatte, quand on la quitte ou qu’elle vous a quitté, on vous hait, ceux mêmes à qui vous avez pû faire le plus de bien »… 9 mai. Leur ami Foy s’est marié en Italie avec la fille de Baraguey d’Hilliers ; l’Empereur a signé le contrat… 26 [mai]. Pour « cadeau de noces », l’Empereur a envoyé Foy « en Turquie : voilà de ces avantages qu’on a souvent a etre connu »… Eylau 13 juin. « Nous voici encore […] dans cette malheureuse ville abreuvée il y a quatre mois de tant de sang : nous en partons probablement ce soir et comme l’ennemi n’a pas dirigé la retraite de ce côté-là, on ne s’est pas battu. On s’attendait hier à avoir une grande bataille à Heilsberg au même endroit qu’avant-hier, mais les russes avaient probablement trop souffert pour la risquer, ils se sont retirés et comme, de coutume, on courre après eux. […] le gal Roussel qui a, je crois, épousé une demoiselle Lacombe est blessé à mort »… Königsberg 24 juin. Ils quitteront demain Königsberg : « le gal si inquiet de n’y pas voir venir l’empereur veut aller le rejoindre […] il paraît que l’empereur reste à Tilsit sur le Mémel pour y traiter dit-on de la paix. On a quelque raison d’espérer qu’il y aura une entrevue entre lui et l’empereur de Russie ou le roy de Prusse »… Q.G. à Tilsit 28 [juin]. Ils sont au milieu de Russes amis. « L’empereur Alexandre, après avoir eu deux entrevues avec l’empereur Napoléon dans un petit château qu’on leur avait construit au milieu de la rivière qui sépare les deux armées, a trouvé plus commode de venir s’établir ici, en consequence on a partagé la ville en deux et moitié est pour les russes, moitié pour nous. Les deux empereurs ne se quittent pas […] L’empereur Alexandre est comme on le dit, un fort bel homme, son frère Constantin a une assez mauvaise tournure. Il est assez singulier de voir des gens qui il y a 8 jours s’égorgeaient à qui mieux mieux, vivre maintenant ensemble et en bonne harmonie. Cela ne prouverait-il pas combien sont de faible valeur les motifs de guerres cruelles et dévastatrices »... Avant-hier, Alexandre a présenté à Napoléon le Roi de Prusse : « C’est lui qui joue le plus vilain rôle dans tout cela, il est bien malheureux ; il s’est présenté seul avec le gal Lestocq. On croit qu’il va venir s’établir ici. On regarde la paix comme certaine, puissions-nous ne pas être raccrochés en route par l’Autriche. L’empereur dans une proclamation promet à l’armée de la faire rentrer en France, mais on a déjà eu cet espoir, déçu »… 30 juin. Il a visité le camp des Russes : « Que diable avons-nous de commun avec des têtes de cette espèce ; à peine ont-ils la figure humaine, un orangoutan habillé en étoffe et chapeau aurait la même tournure, une partie est armée de fleches. L’ensemble de tous ces animaux là, leurs têtes mêmes rappelle tout ce que nous avons pû lire relativement aux hordes de sauvages, dans nos voyages à grandes avantures. Tout cela a à peine la figure achevée, les yeux mal coupés, le nez applati, les levres grosses la bouche tres fendue, le tein bazané »… Au reste, tous veulent en finir… Valée a assisté à une manœuvre d’artillerie de la garde pour voir de près les empereurs et le roi tous d’accord. « Le Roy de Prusse qui a l’air d’être enchaîné au char de son vainqueur suit toujours pensif et ne parlant à personne, à peine a-t-il quelqu’un pour lui tenir son cheval quand il veut descendre. On paraît faire peu d’attention à lui, il n’est pas l’homme qu’on caresse et qu’on veut gagner »… 4 juillet. Ils quitteront probablement Tilsit demain, pour retourner à Koenigsberg : « de là on parle de Danzig, de Berlin et chacun cherche à prévoir le reste »… Koenigsberg 11 juillet. On croit que dans deux ou trois jours l’Empereur ira à Dresde. « Avant-hier les empereurs Napoleon et Alexandre se sont séparés sur le bord du Mémel, et ils se sont embrassés bons amis en apparence : l’empereur Alexandre retourne dans ses déserts, puissions nous ne jamais revoir les vilaines figures de ces sauvages. La Reine de Prusse avec son air mutin aurait encore, je crois, brouillé les deux maîtres de l’univers s’ils fussent restés plus longtemps ensemble et avec elle »… 15 juillet. L’Empereur est parti, suivi de quelques favorisés du Ciel : il « donne des grâces avec profusion, il donne des biens en Pologne, il traite avec grande générosité les chefs de l’armée. Je ne sais pas s’il s’en tiendra là ; jusqu’à présent nous autres canailles nous ne nous ressentons pas de ces largesses. […] J’ai certainement plus travaillé que tous ceux que l’on récompense quels qu’ils soient »… 23 juillet. Ils quitteront Koenigsberg pour Dantzig : « de là nous irons probablement en Silésie et de là aussi probablement à Berlin »… Dantzig 31 juillet. Parmi les nouvelles demandes pour l’artillerie, Valée est proposé pour le grade de commandant de la Légion d’honneur : « je suis encore trop nouveau colonel pour penser au généralat »… Breslau 11 août. Observations taquines sur les « diablesses » de Breslau… Berlin 18 août. Pour être aussi heureux que d’autres, il fallait saisir les moments favorables : « je l’ai fait autant que j’ai pu mais c’était pour d’autres que je travaillais ; cependant si la dernière demande est accordée par l’Empereur, je me retrouverai à mon rang »… Etc.
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