Lot n° 234

Crimée. [Louis TANQUEREY (1822-1855) chirurgien de la Marine]. Manuscrit, Cahier renfermant quelques passages de la vie de M. Louis Tanquerey, [vers 1860] ; cahier petit in-4 de 1 f. (titre), 2 ff. impr. et 159 pp. ms, cart. toile beige de...

Estimation : 1 500 / 2 000
Adjudication : 2 700 €
Description
l’époque, fleuron sur le plat sup. contenant les initiales J.H dessinées à l’encre, mors intérieurs fendus.
Intéressant témoignage sur l’expédition de Bomar-Sund et la guerre de Crimée. Chirurgien major de la Marine, Louis Tanquerey naquit à Quimper le 20 mai 1822. Il effectua, entre 1841 et 1855, dix voyages qui le conduisirent à Fort-de-France, Gorée, Cadix, Mogador (Essaouira), Luanda (Angola), Alger, Saint-Pierre (Martinique), Bomar-Sund (en mer Baltique, dans les îles d’Aland, à l’époque rattachées à la Russie) et en Crimée. Atteint de dysenterie, il mourut à Thérapia (Turquie) le 8 novembre 1855. Les deux derniers voyages, qui occupent près de la moitié du volume, sont consacrés à l’expédition franco-anglaise de Bomar-Sund et à l’intervention en Crimée. Ce manuscrit, d’une écriture régulière et très lisible, est constitué d’extraits de lettres probablement adressées à sa famille. La première est datée de Rennes, du 16 août 1839, et la dernière de Kamiesh, près d’Eupatoria (Crimée), du 27 octobre 1855. À la fin se trouve l’éloge de Tanquerey par Dariste Arnaud, chirurgien major à l’hôpital maritime de Thérapia. Citons quelques extraits. Au large de Luanda, 28 octobre 1846. « Un matin, au point du jour, la vigie signale un navire dans le vent à nous. La manœuvre de ce navire paraît suspecte : nous courrions à la voile, mais on eut bien vite allumé les fourneaux, monté les pales et une heure après nous serrions nos voiles, et marchions à toute vapeur sur le pauvre navire signalé. À neuf heures nous étions côte à côte et un officier s’en fut le visiter ; un coup de canon le mit en panne. C’est une assez jolie goélette, avec douze ou quatorze hommes d’équipage; bien qu’elle n’eut pas de Noirs à bord, elle a été déclarée de bonne prise, et le commandant va l’expédier à Gorée, d’où l’amiral l’enverra probablement en France »… (p. 37). Dans le golfe du Bénin, 20 janvier 1847. « En ce moment, nous sommes devant Widah [Ouidah, près de Porto-Novo], l’un des points les plus importants. Ce village fait partie du royaume du roi de Dahomey ; ce monarque est une sorte de petit autocrate, qui mène ses sujets à raide d’un système répressif des plus énergiques, il paraît que les têtes tiennent fort peu sur les épaules et qu’il suffit d’un mot du grand roi pour les faire tomber » (p. 39). Bomar-Sund, 7 août 1854. « Nous sommes arrivés depuis le 5 au mouillage des îles d’Aland... Nous avons trouvé à ce mouillage l’amiral Parseval-Deschênes et l’amiral Napier avec des forces considérables. Le 6, le St Louis, remorqué par le Brandon, a remonté dans les canaux des îles et est venu rallier une autre escadre anglo-française qui bloque Bomar-Sund. Aujourd’hui nous venons d’assister à l’arrivée du corps expéditionnaire, porté par de nombreux bateaux à vapeur; ils étaient accueillis par les plus chaleureux hourras à mesure qu’ils défilaient pour aller prendre leur poste... Nos embarcations vont être armées en guerre pour prendre part au débarquement. Les deux amiraux sont arrivés ici ce soir pour diriger les opérations, le général Baraguey d’Hilliers et tout son état-major y sont également » (p. 82). Bomar-Sund, 11 août 1854. « Tout s’est passé pour le mieux. Le débarquement des troupes s’est effectué hors de la portée du fort principal ; deux frégates à vapeur, une française et l’autre anglaise se sont embossées devant une petite batterie de sept pièces, qui n’a même pas osé leur répondre, et qu’elles ont promptement détruite. Grâce à cette diversion, et malgré le feu d’une autre tour, située un peu plus loin, l’armée a pu prendre position. Le soir, nous apercevions des bords les feux de ses bivouacs : on est en train de construire des batteries qui ouvriront très probablement leur feu dans la journée de demain » (p. 84). Bomar-Sund, 18 et 22 août 1854. « Depuis le 16, le lendemain de la fête de l’empereur, la citadelle s’est rendue. Tout est donc terminé ici... Ce qui fait peine à voir, ce sont les villages détruits et brûlés, les maisons incendiées dont les cheminées seules sont restées debout. Tous ces incendies ont été allumés par les Russes, afin de mieux découvrir et défendre la place dans un rayon assez étendu autour du fort. Ils n’en ont pas moins été obligés de se rendre et cela très promptement... J’ai visité les deux tours détachées ainsi que le grand fort, et j’ai vu de mes propres yeux les traces laissées par les boulets et les bombes... J’estime que dans les deux forteresses prises, il n’y a pas loin de deux cents pièces de canon. On a également trouvé des armes et des munitions de toutes sortes » (p. 89). Au mouillage de Beicos, près de Constantinople, 24 novembre 1854. « Nous avons quitté la rade de Constantinople après y avoir passé vingt-quatre heures seulement.... L’amiral Hamelin a renvoyé presque tous les vaisseaux à voile, qui sont en ce moment soit à Constantinople, soit ici... À chaque instant, il passe des bâtiments à vapeur, venant de la mer Noire, ou y allant »... (p. 97). Kamiesh (Crimée), 18 mai 1855. « Nous avons quitté le Bosphore dans la journée du 14, emmenant avec nous près de quinze cents hommes de troupe... Nous sommes tout simplement venus à Kamiesh, où nous les avons débarqués le 17. Le nombre de troupes massées autour de Sébastopol est vraiment considérable : depuis notre dernier voyage, de nouveaux campements se sont élevés partout : les soldats sont pleins du meilleur esprit, mais ils brûlent de frapper quelque grand coup et de sortir du statu quo. La tranchée et les combats d’embuscade qui ont lieu presque toutes les nuits ne suffisent plus à émotionner. Il leur faut l’assaut, ou une bataille »... (p. 119). 31 mai 1855. « Nous étions mouillés en tête de rade (hors de portée des boulets bien entendu) distinguant admirablement l’entrée du port de Sébastopol, les forts qui en défendent l’entrée et les vaisseaux russes qui y sont mouillés. À l’aide des longues vues nous suivions, comme si nous y avions été, tous les mouvements qui se faisaient dans le port... Dans la soirée du 22 au 23, il s’est passé entre neuf et onze heures du soir, une affaire des plus chaudes, sur l’extrême gauche, à deux milles au plus de l’endroit où nous étions mouillés : la canonnade et la fusillade ont été terribles pendant ces deux heures ; les décharges d’artillerie étaient si fortes et si rapprochées en même temps, que nous en ressentions l’ébranlement à bord »... (p. 121). Etc.
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