Lot n° 123

Maurice BLONDEL (1861-1949) philosophe. 12 L.A.S. et 11 L.S. (et une non signée avec addition autographe), Aix-en-Provence 1910-1949, à Armand Chambon ; 66 pages in-12 ou in-8 (quelques en-têtes de la Faculté des Lettres d’Aix).

Estimation : 700 / 800
Adjudication : 800 €
Description
Très belle correspondance philosophique et amicale à un élève puis ami. 1910. 13 avril. La dissertation de Chambon dénote de « sérieuses qualités d’esprit », mais il lui reste à « étendre ces connaissances un peu livresques et à les vivifier par une réflexion plus personnelle et par une philosophie plus directement en contact avec les préoccupations des intelligences et des âmes contemporaines ». Chambon est isolé à Grasse, et Blondel lui conseille de lire des revues philosophiques, et des ouvrages « autres que des manuels ou que des livres de vulgarisation »... 17 avril. Il a lu sa dissertation sur la liberté, travail sérieux mais encore un peu trop scolaire ; Blondel lui reproche de traiter ce thème trop dans son ensemble, sans l’approfondir et sans point de vue psychologique et subjectif : « vous restez trop dans la perspective des connaissances conceptuelles ou objectives qui masquent souvent “les données immédiates de la conscience”. Malgré ces imperfections [...] votre dissertation m’a laissé une impression favorable et encourageante. Quant à la question de la Liberté, en Dieu, il n’est pas étonnant qu’elle vous embarrasse après avoir embarrassé les plus grands esprits. Quand je me suis présenté au Baccalauréat à Dijon M. Henri Joly, qui était alors doyen de la faculté de Lettres, nous avait proposé ce sujet qui laisserait perplexe plus d’un candidat actuel : “En quoi consiste le désaccord de St Thomas et de Dun Scot, de Leibniz et de Descartes sur la théorie de la Volonté et de l’Entendement en Dieu ?” – La vraie liberté n’est pas l’indifférence, le libre arbitre, c’est l’accord intime de la raison & de l’activité », etc. 6 juillet. Il confirme l’impression favorable que lui donnent ses dissertations : « ce qui vous manque – et ce qui s’acquiert – c’est une bonne méthode de travail et ce sont des connaissances plus précises, plus étendues. Par le progrès de vos réflexions et de vos lectures, vous arriverez vite à prendre les problèmes philosophiques directement, avec un sens plus vif du concret ; vous vous débarrasserez d’une certaine phraséologie abstraite ; vous vous intéresserez davantage aux questions, quand vous serez plus affranchi des cadres artificiels e superficiels des manuel ».... 25 juillet. La correction du Baccalauréat a retardé sa réponse, mais il propose à Chambon, pour le faire travailler, de lui prêter plusieurs ouvrages ou revues pendant les vacances... 25 octobre. Il l’encourage à continuer ses efforts et à s’habituer à écrire chaque jour « une page ou deux de méditation philosophique [...]. Cet exercice ne fût-il que de 20 ou 30 minutes par jour est extrêmement profitable à tous égards »... 14 novembre. Il se réjouit de causer avec lui « de votre travail & de vos préoccupations philosophiques »... 1911. 20 avril. Il conseille à Chambon de venir à Aix : « la conversation des étudiants, le secours des bibliothèques, les causeries de la conférence vous seront très utiles, pour ne pas dire indispensables », car il semble que sa préparation « reste défectueuse, faute de ressources pour les lectures et d’indications pour vos réflexions personnelles [...]. Et par correspondance il est vraiment impossible d’orienter votre effort, alors que souvent il faut plusieurs mois aux étudiants qui vivent à la faculté pour se rendre compte du travail qu’on leur demande »... 12 novembre. Renseignements sur le « tableau des cours et des conférences » de la prochaine rentrée... 17 juillet 1914. Il le remercie pour ses félicitations. « Vos anciens élèves de Grasse continuent à vous être attachés et à vous faire honneur »... 13 mai 1917. Sa belle-sœur recherche un précepteur de confiance pour ses enfants pendant les vacances... 5 octobre 1921. Il essaie, avec le concours de l’abbé Mulla, de lui trouver « pour l’avenir une situation plus avantageuse et plus stable », avec « une classe laborieuse, intelligente, capable de profiter de votre enseignement »... Les autres lettres sont dictées. 10 janvier [1928]. Il est tout à fait à la retraite, mais « avec une difficulté croissante dans le travail que, par devoir, je poursuis coûte que coûte. En ce moment je suis amené à interrompre un peu mes dictées doctrinales pour corriger les placards des entretiens que j’ai eus avec F. Lefèvre et qui doivent paraître en février » [L’Itinéraire philosophique de Marice Blondel, propos recueillis par Frédéric Lefèvre, 1928]... 9 novembre [1928]. Il a de bonnes nouvelles du cher abbé Mulla « qui a pris une excellente situation et exerce une heureuse influence à Rome » ; il prépare ses cours à l’Institut pontifical oriental... 8 janvier 1929. Il est heureux de savoir Chambon « toujours plein de vaillance laborieuse et d’activité ». L’état de ses yeux ne lui permet plus d’écrire... 10 janvier 1932. « Avec Mgr Mulla qui a passé les fêtes auprès de moi, nous parlions de vous. [...] Nous sommes heureux du poste important qui vous est confié, du succès que vous y obtenez, du bien que vous y faites. Pour moi, de plus en plus infirme, je continue à travailler péniblement, en dictant, sans pouvoir rien lire »... 11 janvier 1933. Il évoque leurs souvenirs de Grasse et Aix, et donne des nouvelle d’anciens élèves qui lui font honneur, tous à des postes importants. « Pour moi, malgré des infirmités accrues, je poursuis une tâche qui sera encore longue mais qui dès cette année pourra aboutir à 2 nouveaux volumes. Il en faudrait encore 3 ou 4 autres pour me décharger du poids intellectuel que je porte en une tête bien lasse et souvent bien douloureuse »... 7 janvier 1935. Il compatit aux attaques contre Chambon, « car durant toute ma carrière, j’ai été logé à cette pénible enseigne. Mais vous faites courageusement votre devoir ». Il donne des nouvelles de sa famille, d’amis et d’anciens élèves : « Mon fils Charles est maître des requêtes au Conseil d’État. Et moi je travaille toujours à mon “testament intellectuel” qui compte déjà environ 1300 pages dont 1030 imprimées déjà ! »... 11 janvier 1936. « Vous faites œuvre utile et bonne à laquelle ne manque point le succès, en dépit des difficultés qui en accroissent le mérite et la fécondité. […] L’excellente tenue, l’esprit laborieux, les succès de votre Institut industriel militent victorieusement en votre faveur. Ayez aussi confiance dans la Providence »... 20 mai 1945. Il se remet difficilement d’une grave maladie. Il reprend lentement « les dictées que mon infirmité visuelle me forcent à employer pour l’achèvement de mon ouvrage sur L’Esprit chrétien et la philosophie », etc. 17 janvier 1948. Dans sa 87e année, il poursuit son travail, malgré les infirmités, grâce au dévouement de sa secrétaire « qui supplée à ma quasi cécité ainsi qu’à ma surdité accrue et à mes défaillances de mémoire qui sont pour moi la plus terrible gêne ». Il travaille encore sur deux volumes, « sans parler de participations à des congrès et autres appels pour quelques participations ou notes en faveur d’études philosophiques et religieuses »... 8 février 1949, quelques mois avant sa mort. « Ma secrétaire a réussi à calmer mon agitation par la lecture que je lui ai demandé de me faire des prières liturgiques de l’Extrême Onction qui sont d’une douceur et d’une consolation que je ne soupçonnais pas »... Etc. On joint 7 cartes de visite autographes, et 2 brochures sur M. Blondel ; plus une chanson imprimée de Théodore Botrel avec signature autographe, et un dessin humoristique d’Yves Antoine.
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