Lot n° 92

ROGER-DUCASSE. 40 L.A.S., Le Taillan 1911-1929, à Marguerite Long ; environ 90 pages, la plupart in-8 (quelques lettres incomplètes).

Estimation : 600 / 800
Adjudication : Invendu
Description
Belle correspondance à la grande pianiste, parmi laquelle de nombreuses pensées pour son regretté mari, Joseph de Marliave, tombé à la guerre dès 1914. Au fil de ses courriers, Roger-Ducasse évoque le conflit mondial, sa mauvaise santé, leurs projets musicaux respectifs, l’accueil de ses pièces en concert, et lui recommande quelques élèves pour son école de musique.... Nous ne pouvons en donner ici qu’un aperçu. En 1915, à propos de ses projets de révision d’œuvres de Schubert chez l’éditeur Durand. Mardi soir. « J’avais écrit à Jacques Durand, au sujet des mélodies de Schubert. Et voici qu’il me répond ce qu’il m’avait déjà répondu, à savoir que le public est habitué à la traduction de Schubert et de Schumann et qu’une nouvelle traduction ne se vendrait pas. J’ai eu beau lui dire qu’il s’agissait de mélodies jusqu’ici peu traduites : il répond que le volume édité chez lui est ce qu’il y a de mieux dans les mélodies de Schubert : là, il se trompe »... Il est également question dans plusieurs courriers d’un manuscrit musical – « un choral et variations en leçon de solfège », transformé plus tard en variations pour piano – qu’il tente de soumettre à Durand, lequel ne lui en propose pas assez. Son contrat ne l’engageant pas exclusivement, il tente, par l’intermédiaire de sa correspondante, de le soumettre à Sénart, qui lui avait déjà fait de « fortes avances »... Vendredi soir. « J’envoie au diable l’édition de Schubert qui me rase et pour laquelle il m’a offert 200 frs !...Voilà où en sont mes affaires : cela m’a étonné de sa part, même avec les pertes que la guerre peut lui apporter »... [15 mai 1915], remerciant pour la peine « que vous avez prise à mettre sur doigts mon Étude. Je reçois à l’instant un mot de J.D. me disant que vous avez supérieurement joué [...] et qu’il accepte mes conditions »... – Représentation de La Salamandre : « Triomphe ! On m’a poussé sur la scène et j’ai dû saluer et sourire ! C’est pourri ! Enfin ! Lambinet jubilait et cela m’a consolé de ce succès criant »... Il tente, par de nombreuses lettres, de réconforter son amie, après la mort de son mari : « Il m’ennuie, cependant, de penser que vous n’allez pas et que rien ne peut vous aider à reprendre votre vie. Je ne compte plus maintenant que sur le temps et j’ai honte de le dire, car il devrait y avoir des peines éternelles ! [...] Il faut vivre et je le répète, la vie, inflexible, continue »... Dès qu’il sera achevé il lui enverra son Nocturne de Printemps qui sera « beaucoup plus dans votre genre »... Mercredi. Durand lui a appris qu’elle avait accepté de jouer chez lui le Tombeau, en même temps que son Quatuor [Tombeau de Couperin de Ravel]... Il se remémore l’audition de ce morceau avec Joseph, « son émotion à l’adagio, et cet adagio m’est cher puisqu’il avait trouvé le chemin de son cœur – il y a ainsi quelques œuvres qui nous font souvenir de ceux qui les ont aimées, et n’est-ce pas là la raison qui leur donne à nos yeux quelque prix »... Dimanche soir. Félicitations pour la décoration posthume de Joseph : « J’y vois aussi pour vous un encouragement et une possibilité de travail : sa gloire appelle et commande la vôtre, car sommes-nous assurés que les morts n’agissent pas sur les vivants ? »... Paris 22 août. « Longtemps, très longtemps, mon cœur s’est refusé à admettre la disparition de ce cher Jo, qu’on ne pouvait pas ne pas aimer... chaque fois que j’achève une œuvre quelconque, je me pose aussitôt la question : eût-il aimé ça ? Et je regrette de ne plus lire dans ses yeux, car ce sentiments étaient silencieux, cette émotion si précieuse pour moi, et que je lui avais vue à mes deux quatuors »... Samedi soir. Abruti de travail, il orchestre et transcrit une Fantaisie qu’il souhaiterait lui faire jouer... Il a reçu des nouvelles de Fauré « qui, (dit-il) se réjouit d’être enfin libéré de la servitude du Conservateur »... Etc. On joint une L.A.S. à un Docteur (1953), une carte de visite a.s. (et une de sa femme Marguerite).
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