Lot n° 167

Paul Morand (1888-1976). 4 L.A.S., 1920-1924, à Valentine Hugo ; 13 pages in-8 ou petit in-4, 2 enveloppes. Belle correspondance, pleine de fantaisie et d’amicale gaîté, écrite « au temps du Bœuf sur le Toit » et des Ballets Russes, où...

Estimation : 1200 / 1500
Adjudication : 4 000 €
Description
défilent Proust, Cocteau, Satie, Radiguet, Coco Chanel, Misia, etc. Deux lettres sont ornées d’un dessin à la plume. 23décembre 1920, « au lendemain matin de la 1ère de Parade. Nous avons pré-réveillonné avenue d'Eylau. J'ai perdu ma cravate et mon chapeau. Jean [Cocteau] a cassé le piano avec Auric. Stravinsky a bu la vodka comme la Volga etc. C’était très beau et nous vous avons bien regretté. On recommence demain chez Chanel »... Il a trouvé un petit pavillon rue Daubigny. 2 janvier 1921 . Il envoie ses doubles vœux « mais non en des vers d’un-professeur-d’anglais-ayant-des-loisirs [Mallarmé] et qui nous gâtent à jamais le faune avec ses marrons glacés à la main ». Puis Morand parle de la brouille entre Cocteau et Gallimard, à cause du livre L’Éventail de Marie Laurencin, puis de la reprise de Parade : « tout uniment un succès ; c’était plus au point qu’en 1917 ; la petite fille était une merveille de triste enfance foraine et le cheval avait au dos une petite selle de toile bleue délavée qui ajoutait au plaisir. Tout ceci, beaucoup grâce à Jean qui se divisa et m uliplia ». Suit une soirée folle avec les Russes : « Auric se fendit les doigts sur le piano et le sang coulait sur le clavier. Jean, désarticulé, initiait la duchesse de Gramont à un cancan brisé [...] Drieu et Larionoff s’étayaient penchés comme des murs de mansarde. Chanel, les jambes en l’air, ronflait sur un canapé. Stravinsky buvait son ammoniaque. J.M.S[ert] prenait dans les pardessus renversés une leçon de natation. Miassine faisait au centre du parquet, très vite, des choses tout seul, et puis tombait d’une masse [.] Ansermet à qui Misia voulait couper la barbe s’était entouré la tête d’une serviette »... Au réveillon chez Chanel, Cocteau a fait du jazz « sur la grosse caisse bleue et blanche de Stravinsky. [.] On s’amusa moins, malgré un incomparable souper ». Cocteau passa au jour de l’an « une nuit de débauche au Pélican », qui vient d’ouvrir. « Vous lirez la préface de Proust dans mon livre [Tendres Stocks] qui va paraître [...] Je fais un autre volume de nouvelles [Ouvert la nuit] pour l’été », mais n’a que son dimanche après-midi pour travailler... Il va s’installer rue Daubigny, dans « cequartier idiot - 1875 - peluche et fer forgé - de la Plaine Monceau »... 20 avril 1921. De Kristiania, Morand envoie d’amusantes impressions de No^ège : ébats érotiques d’un couple dans la chambre voisine, gens affreux (« profils lapons ; c’est qq.chose comme le type mongoloïde avec le teint anglais. Seul le cheveu pâle genre soleil de minuit »), restaurants avec « des harengs en or ». Évocation du Palais de Danse à Berlin... Réflexions nostalgiques sur « les Samedistes » qui devraient « se rallier à la bienveillance, non pas forcée, mais librement concentie [.] tout le monde est mal. Alors il faut en conclure que tout le monde est bien et que ceux qu’on a choisis sont mieux ». À la fin de la lettre, amusant dessin à la plume d’une « vue de Copenhague ». 30 octobre 1921. Visite au Salon d’Automne, où il croise Mme André Breton coiffée d’un « bonnet conique », Jean-Gustave Tronche qui a quitté la NRF, Auric... « On a repris le chemin du bar samedi : les Bertin, Caryathis amoureuse, Irène [Lagut], Auric, Radiguet qui vient de finir, dit Jean, un roman sublime, genre Adolphe [Le Bal du comte d’Orgel], Dominique etc. [...] Poulenc a travaillé ses Promenades, pour Rubinstein. Milhaud soigne sa mère. [.] Dinette chez Marie Laurencin. [.] Après de laborieuses négociations, j’ai remis mon manuscrit [Ouvert la nuit] à Gallimard et je paraîtrai vers février. Vu Proust cette nuit qui finit Sodome II. [.] Je commence une série de portraits d’hommes », et il dessine à la plume son voisin Émile Henriot en manteau et chapeau...
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