LAFAYETTE, Gilbert du Motier, marquis de Lettre autographe à Louis Marie, vicomte de Noailles Au camp de la division légère près de Crane’s Town, 28 octobre 1780 5 pp. in-4 [en français]
Estimation :20000 / 30000
Adjudication :Invendu
Description
RÉCIT DE LA PRISE MANQUÉE DE STATEN ISLAND DONT LAFAYETTE POSSÈDE UNE CARTE. À LA FIN DE LA LETTRE, LAFAYETTE ANNONCE À NOAILLES QU’IL A TRANSMIS À WASHINGTON SA CARTE DE SAVANNAH. AN ACCOUNT OF THE FAILED RAID ON STATEN ISLAND. LAFAYETTE GIVES WASHINGTON NOAILLES’S MAP OF SAVANNAH Sais-tu, mon Vicomte, que j’ai la plus belle occasion du monde pour me pendre ? Je viens d’éprouver la plus piquante aventure qui puisse arriver à un officier. Je ne puis t’en écrire encore sans jurer entre mes dents, et tu vas plaindre ton pauvre frère quant tu sauras ce qu’il a manqué. Tu as la carte de Staten Island, et quoi qu’elle ne montre pas les détails, tu verras à peu près les points intéressants. Par tous les espions dont j’avais rempli cette île, je découvris que ces messieurs se gardaient très négligemment, et sur cela était bâti un projet charmant sur lequel mon cœur s’extasiait depuis douze jours. Aux trois redoutes A-B-C il y a deux cents hessois et cent cinquante anglais baraqués à une distance des redoutes où ils ne laissaient que des sentinelles relevées pour la garde des barraques. A Richemont est la petite légion de Simcoe1 de trois cents hommes au plus, cinquante riflemen à Deckers Ferry, et cinquante dragons dans un autre endroit. Je connaissais non seulement leurs postes, mais la place de chaque sentinelle, le chemin fait par chaque patrouille, le logement de chaque officier intéressant, et d’après cela il m’était prouvé clair comme le jour qu’on pouvait arriver aux forts A-B-C. et à Richemont sans donner aux ennemis le temps de sortir de leurs baraques. Mes espions devaient guider chaque corps sous condition de recevoir tant d’argent si nous surprenions les ennemis, ou d’être poignardés en cas que nous fussions découverts. J’avais des guides en sous ordre qu’on avait saisis dans leurs maisons au moment d’exécuter et dont j’avais appris le nom et le caractère. On avait fait venir quelques bateaux auprès du camp sous différents prétextes. J’avais calculé la lune, la marée, la probabilité de brouillard, et la nuit du 26 au 27 avait été fixée pour l’opération. Pour mieux cacher mon jeu, j’avais donné un dîner à M. de la Luzerne2 et au général Washington dont la revue m’avait servi de prétexte pour nous mettre dans le meilleur état possible. Avant de nous mettre à table j’avais confié mon secret et donné l’ordre aux commandants de corps qui ne savaient rien auparavant. Tu juges de la joie universelle. A la nuit nous partons, et marchons dans un ordre et un silence qui t’auraient fait plaisir. Une chose seule ne dépendait pas de nous, et cette chose a manqué. Une foutue bête de quartier maître général3 et ses employés non moins bêtes que lui avaient été chargés par le général Washington d’avoir les bateaux à une certaine place, et une certaine heure. Les chiens ont fait tant de sottises que, quoiqu’ils eussent été demandés plus tôt qu’on n’en avait besoin, quoique j’eusse préparé des relais sur lesquels ils ne comptaient pas, quoique j’eusse envoyé au devant d’eux, ils sont arrivés trop tard. J’ai vu alors que je serais pris par le jour, que l’avantage dont je m’étais flatté était fondé sur la négligence de l’ennemi, et qu’au lieu d’une surprise je trouverais un assaut où je perdrais plus de monde que je n’en prendrais. J’ai donc renoncé à mon entreprise, et après avoir passé la nuit tout près de l’île sans être inquiété, je suis revenu le lendemain à mon camp. Mon désappointement a été suivi d’une petite aventure qui m’a fait rire. Mes soldats avaient entendu dire que les bateaux avaient manqué : en revenant ils ont rencontré ces maudits bateaux, et en passant à côté d’eux tu n’as pas idée des injures qu’ils ont vomies contre les charretiers, les conducteurs, et tout ce qui était autour de ces bateaux. J’ai perdu une charmante occasion, mon ami, je n’y pense pas sans dépit. J’ai mis à l’ordre ma façon de penser sur ces messieurs. Mais cela ne me fera pas retrouver ce que leur stupidité m’a fait manquer. Le général Washington n’en a pas moins eu d’humeur que moi, car il avait de grandes espérances. Les ennemis sauront en général qu’on avait envie de tenter contre eux. Il est à souhaiter qu’ils n’apprennent aucun des détails. Mais si tu crois qu’ils puissent intéresser mon ami Charlus ou le cher de Chastellux4 tu peux leur dire ce que tu en sais. J’ai donné au général Washington le plan de Savannah ; il m’a chargé de t’en faire un million de remerciements. Il a été vivement sensible à ton attention. Je l’ai prévenu que nous voyagerions ensemble quand on serait en quartier d’hiver et il m’a chargé de te dire combien il serait heureux de faire connaissance avec toi. Ton plan est parfait et m’a fait grand plaisir5. Adieu, mon amitié se plaît à te faire part de tous les petits détails qui m’intéressent. Je t’embrasse. 1. John Simcoe commandait une légion de loyalistes appelée les Queen’s Rangers. 2. Anne-César chevalier de la Luzerne (1741-1791), second ambassadeur de France aux États-Unis, de 1779 à 1784. 3. Timothy Pickering. 4. François Jean de Beauvoir, marquis de Chastellux (1734-1788) servit sous les ordres de Rochambeau, notamment comme agent de liaison entre ce dernier et Washington. 5. La lettre contenant le plan de Savannah par Noailles n’a pas été retrouvée. Il a pu être dessiné par le cartographe et aide de camp de Lafayette, le capitaine Michel du Chesnoy (voir l’article de Patricia van Ee, “Lafayette’s Manuscript Maps", in Library of Congress Information Bulletin, juillet 2 000, vol. 59, no. 7). RÉFÉRENCES : Lettres inédites du général de Lafayette au vicomte de Noailles, Paris, 1924, p. 27 -- Lafayette in the Age of the American Revolution, Cornell University press, 1980, pp. 209 et 511
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