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L
a vente aux enchères de la bibliothèque d’un Président de la République
est un événement inédit et spectaculaire. Il s’agit d’un ensemble de plus de
1000 ouvrages de littérature du XXe siècle, la plupart en édition originale
et pour certains reliés par Danielle Mitterrand ou par les meilleurs praticiens de la
seconde moitié du XXe siècle. Au centre de cette vente, un ensemble de manuscrits
jette un jour nouveau sur la personnalité de l’homme d’État.
François Mitterrand a été bibliophile. Il aimait les exemplaires sur grands papiers
et les reliures. Il était connu pour arpenter les librairies et dévorer les catalogues de
libraires. Il s’échappait ainsi des dures réalités politiques par ses fameuses prome-
nades littéraires dans le Quartier Latin. C’était l’une de ses parts les plus secrètes, la
source spirituelle de son action.
Il partage cette passion du livre rare avec Georges Pompidou, Dominique de Vil-
lepin, et, plus loin de nous, Louis Barthou. Sous l’Ancien Régime, certains mi-
nistres célèbres ont collectionné les livres comme Jean-Baptiste Colbert, les car-
dinaux Richelieu et Mazarin. Enfin, si la Ve République est bien une « monarchie
républicaine » (Maurice Duverger), on peut alors inscrire François Mitterrand et
Georges Pompidou dans cette lignée des souverains bibliophiles qui traverse la
France des Valois à Louis XVI. À l’étranger, on peut aussi penser aux rois Georges
III d’Angleterre (1738-1820) ou Manuel II de Portugal (1889-1932), tous deux émi-
nents collectionneurs.
Le principe d’organisation de la bibliothèque de François Mitterrand se rapproche
de celle des
presidential libraries
américaines. Nombre de présidents américains
furent aussi collectionneurs à commencer par Thomas Jefferson (6.500 livres),
George Washington (1.000 livres), Franklin D. Roosevelt (15.000 livres), ou en-
core Adams, Madison, Lincoln et Truman. Ces bibliothèques partagent avec celle
de François Mitterrand un même critère de répartition : d’un côté les livres d’usage
ou de documentation, et de l’autre les livres précieux, d’un côté la
working library
, de
l’autre la
leisure library
.
Chez François Mitterrand, les livres d’usage étaient rangés avec ordre et précision.
Un catalogue de fiches fut par exemple dressé par Danielle Mitterrand. Il peut à tout
moment lire un ouvrage sur les papes d’Avignon, les tyrans de Florence, l’histoire de
l’Allemagne ou, tout aussi fréquemment, une œuvre de littérature. En 1990, Fran-
çois Mitterrand offrit à laMédiathèque Jean-Jaurès de Nevers près de 20.000 livres
dont la moitié lui étaient dédicacés. Parmi ceux-ci, il ajouta certains exemplaires de
sa collection personnelle et, plus particulièrement des reliures (www.mitterrand.
org/nevers-mediatheque-jean-jaures.html).
Ensemble de reliures réalisées par Danielle Mitterrand