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« dans une circonstance où ce n’était pas un régiment mais
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qui attendaient le duc de Reichstadt », mais que son « amour de tranquillité »
avait fait tout échouer : « aussi on ne devait plus me mettre dans de nouvelles confdences ». Elle voulait mettre son fls « dans la position
d’avoir des obligations au gouvernement. Je connaissais si bien son caractère loyal que j’étais sure alors qu’il repousserait tout ceux qui
venaient lui peindre la France malheureuse et ayant besoin de lui. Mais au lieu de bons procédés, il n’a eu que des injustices, ainsi que moi ».
Elle a alors désiré « qu’il se mariât. C’était là où se bornait toute mon ambition », mais ce projet a subi des entraves. Puis « les affaires de Suisse
sont arrivées. Je le voyais dans une position si diffcile en cas de guerre que je lui parlais d’aller en Angleterre. Il me dit qu’il serait bien aise
d’avoir un passeport pour en profter en cas. […] Il est possible que mon fls ne m’ait pas dit la vérité sur ce qu’il voulait faire d’un passeport ;
mais je sais qu’il a prié un monsieur d’ici de lui prêter le sien en lui disant qu’il allait à Manheim […] ce qu’il y a de sure c’est qu’il est entré à
Strasbourg avec le passeport de Mr Ditwort. Quand à de l’argent certes il n’en avait pas et son père qui lui donnait six mille francs de rente
vient de les lui ôter. Maintenant comment se plaît-on à croire et que j’étais pour quelque chose là-dedans et que j’étais à Basle, quand tout le
monde m’a vu ici pleurer à la première nouvelle qui eût semblé bonne à tout autre et qui pour moi me désespérait »… Elle est « fatiguée de
l’Europe, une terre nouvelle me sera peut-être meilleure. J’y trouverai du moins des indifférents et non des injustes ennemis. Quant à mon
fls je suis heureuse de le savoir bien loin, tant mieux si vous êtes tranquilles en France ; mais je ne le crois pas ! Vous aurez des troubles, des
désordres, peut-être encore de cruelles révolutions ! et mon fls sera loin, il n’aura plus de danger à courir, on ne viendra plus en appeller à son
nom, à son courage et du moins je n’aurai plus à trembler sur le seul intérêt qui me reste dans ce monde »…
Voir la reproduction page 49.
192.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. 2 L.A.S. « Hortense », [Arenenberg] février-mars 1837, à « Madame la Maréchale Ney prin-
cesse de la Moskowa » à Paris ; 2 pages et demie, et 1 page in-8, adresses avec cachets postaux.
600/800
Sur sa santé et la maladie qui va l’emporter (elle mourra le 5 octobre d’un cancer à la matrice).
12 février
. « J’ai décidément une maladie sérieuse et c’est plutôt la faute des circonstances que le manque de soin. J’étais si fatigué de
mon voyage et j’avais si peu le tems de penser à moi, que j’aurais dû être soignée à mon retour ici. J’avais à ce qu’il paraît une infam-
mation. Mon vieux docteur a bien dit que si j’avais des douleurs il fallait me faire poser des sangsues. […] mais il eût fallu les mettre
plutôt. La princesse de Hohenzollern inquiette m’a envoyé son 1
er
médecin qui parle fort bien français, il m’a entièrement rassurée.
Selon lui ce n’était que de la faiblesse et je devais pour attendre le tems des eaux prendre des bains de fer et aromatiques ». À la suite
du désaccord des médecins, « on a exigé de moi que je fasse venir le plus fameux docteur de l’Allemagne, celui qui a accouché la reine
des Belges […] il est venu hier. C’est la loi et les prophètes. Il est d’accord avec mon vieux docteur mais m’a dit que c’était grave,
l’infammation n’ayant pas été prise à tems. Cependant il y a encore l’espoir de guérison. J’en ai pour deux mois de soins et après des
eaux en Autriche que je ne puis me dispenser d’aller prendre, s’il survenait des accidents graves il veut qu’on lui écrive mon état et il
reviendrait. […] Je sais M. Conneau si désolé de me savoir malade qu’il reviendrait peut-être volontiers pour quelques mois. Tu vois
donc ma chère Eglé qu’il me faut et du courage et de la patience. Je serais désolée de mourir sans revoir mon fls ! et le roi de Bavière
aurait fait un si bon marché avec moi que cela me dépiterait. Aussi je me soigne, je n’ai que cela à faire »… Elle ajoute : « Je n’ai pas
encore de lettres de mon fls ».
9 mars
. « Tu me fais un bien extrême ma chère Eglé, et je veux t’en remercier, je t’avoue que j’étais vivement tourmentée pour mon fls
après tous ces orages, et quand on est malheureux !! Enfn grâce à Dieu le vaisseau a été vu. Maintenant je ne veux plus m’occuper que
de me soigner. Le docteur Conneau vient d’arriver […] depuis ma dernière lettre j’ai eu une rechute, une perte de sang, et je suis d’une
faiblesse extrême. Depuis trois jours on a changé le traitement et le sang est arrêté. Ce que j’ai décidément est au col de la matrice.
Une partie est malade il faut le guérir sans arrêter le reste. Conneau répond de la guérison parce qu’il dit que c’est un accident produit
par ce terrible voyage, que cela ne tient pas à la santé et qu’il est encore tems. Mais tu vois que ce n’est pas seulement le chagrin »…
On joint une fn de L.A.S., 5 janvier 1837 (2 p. in-8), à propos de la rupture du projet de mariage [avec Mathilde] « à cause des évènements
de Strasbourg », des offres de services d’escrocs qui veulent lui soutirer de l’argent, etc. « tout cela augmente l’idée qui me poussait d’aller dans
un autre monde oublier complètement celui-ci qui ne vaut pas grand-chose. Pourtant je ne ferai que ce qui conviendra à mon fls »…
193. [
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
].
Anne-Étiennette SALVAGE DE FAVEROLLES
(1785-1854). 2 L.A.S., Arenenberg 1835-
1837, à la maréchale Ney, princesse de la Moskowa ; 4 pages in-8, et 3 pages in-8 (petit deuil) avec adresse.
400/500
Longues lettres sur la reine Hortense, et le transfert à Rueil de sa dépouille.
2 octobre 1835
. La duchesse de Saint-Leu a appris avec résignation l’échec de la négociation (vente du collier). Elle fait des projets
pour « les arrangements et embellissements qu’elle désire à son habitation pour la rendre par la suite aussi confortable et agréable que
possible ». Nouvelles des visiteurs à Arenenberg : la duchesse de Leuchtenberg et sa flle la princesse Theodolinda, la princesse Eugénie
avec son mari le prince Constantin ; il y a eu jusqu’à 50 personnes « toutes très bien logées dans les deux petites maisons de la Reine
et du Prince ». Puis vinrent la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade, avec une nombreuse compagnie (duchesse de Raguse, Visconti,
le baron Félix del Portes, etc.). La Reine Hortense n’a pas voulu aller à Bade pour le baptême du fls de la princesse Joséphine, mais a
retrouvé la Grande-Duchesse à Uberlingen : excursions sur le lac et aux environs… Etc.
13 novembre 1837
. Le Prince [Napoléon III] l’a chargée, avec le comte Tascher, d’« accompagner les restes mortels de sa mère jusqu’à
Rueil », devoir « doublement sacré »envers « l’auguste amie que vous et moi nous pleurons. Vous comprendrez Madame tout ce que le lu-
gubre voyage va éveiller en moi de pénibles et déchirantes impressions en repassant ainsi par tous les lieux par la même route ou je passais
l’année dernière à la même époque avec elle à mes côtés dans ma même voiture qui maintenant suivra son cercueil ( celle de M. le Comte
Tascher marchera en avant). En allant en France alors Mme la Duchesse craignait pour la vie de son fls, à notre retour elle était rassurée à
cet égard, mais elle croyait être sur le point d’aller le rejoindre dans le nouveau monde et y fnir ces jours loin de l’Europe, nous ne devions
plus nous quitter !... tout cela était triste mais ce n’était rien en comparaison du malheur et de la douleur qui m’accablent aujourd’hui ».
En arrivant à Rueil, le comte Tascher dressera « un procès-verbal du dépôt que nous ferons du cercueil dans une chapelle de l’église où il
restera provisoirement jusqu’à ce que le caveau soit prêt. Ce ne sera que lorsqu’on l’y descendra qu’un service aura lieu »...
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