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119.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », Aix[-les-Bains] 4 juillet [1813] ; 2 pages et demie in-8 à bordure dorée.
400/600
Belle et longue lettre après la mort d’Adèle. Elle fera tout ce qu’on lui demande. « Rien ne peut remplacer ce que j’ai perdu ;
mais au moins quelqu’un qui l’aimoit tendrement, me sera toujours agréable. Cette vie est bien triste ma chère Eglé ne pleurons que sur
nous qui sommes obligées d’y rester, ceux qui la quittent jeune évitent bien des maux. Nous vieillirons ensemble puisque le ciel le veut
et loin de redouter de te voir, je sens qu’en comptant sur ton amitié ce sera une douce consolation, tu me connois comme celle que je
regrette et il n’y a que toi qui puisse la remplacer ». Églé ne paraît pas heureuse : « mais nous sommes nés pour souffrir, c’est ce qu’il
faut bien penser. Il faut donc se résigner, être content de soi, pour cela remplir ses devoirs, trouver de la force et du courage dont l’ami-
tié nous offre les secours, voilà tout ce qu’une femme peut prétendre, c’est avec toi maintenant que toutes mes idées se développeront.
Le sort nous éloigne un peu mais ton cœur saura toujours entendre le mien, la persuasion où je suis que l’autre vie est meilleure adoucit
mon chagrin. Elle est heureuse celle que nous aimions et en voulant la marier nous lui préparions peut-être encore des chagrins. Je
veux te donner du courage et j’en prends en même tems, je n’ai connu que le chagrin au moment où je croyois trouver de la tranquil-
lité. C’est celui d’un malheur affreux, je m’efforce d’être résignée, et je sens que je redoute encore tous les maux, il me semble qu’il ne
doit y avoir que cela pour moi dans le monde et loin de me détacher de tout, je sens que j’y tiens encore plus fortement, mes enfants
ont tant besoin de moi que sans oser en jouir, sans certitude pour l’avenir, je sens qu’il faut que je vive, et j’appelle tous les courages à
mon secours pour supporter encore tous les maux que je redoute »… Elle lui recommande de bien se soigner : « Ton mari sentira tout
ce que tu veux puisqu’un moment te rapproche son cœur occupe-toi de le conserver, j’ai besoin de m’occuper de toi et je serois bien
aise que tu puisses acheter cette campagne qui te convenoit ta pauvre sœur seroit heureuse d’y avoir contribué ce qui te revient d’elle
pourroit être mis là »…
120.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », [Aix-les-Bains] 30 juillet [1813] ; 3 pages in-8 à bordure gaufrée. 400/600
Belle et longue lettre après la mort d’Adèle. « Ma chère Eglé, tu me fais de la peine. Tu ne veux donc pas te résigner au malheur,
l’on souffre de même, rien n’échappe à un cœur qui sent bien. Mais tu prends plaisir à t’affiger davantage, tu ne soignes pas ta santé, et
quand tes pauvres enfants auront besoin de toi, tu ne pourras plus leur être utile dans un monde où ils ont tant besoin de leur mère. Tu
souffres surment mais crois-tu que je ne sois pas plus à plaindre que toi dans cette perte affreuse. Je suis obligée de renfermer dans mon
cœur les impressions que journellement je trouvois le besoin de lui communiquer. Souvenirs du passé, projet pour l’avenir, elle étoit de
moitié dans tout. Elle me manque donc de sentiment, d’habitude. Je n’ose penser à remonter dans une voiture, cependant il faut que je
retourne, il faut que je rentre dans ma maison, il faut que je me trouve seule enfn quand toujours avec elle je trouvois du plaisir à pen-
ser tout haut. Sais-tu pourquoi je trouve du courage c’est que je suis résignée au malheur, je crois que la vie d’une femme n’est compo-
sée que de souffrance. Ses seules jouissances sont le bonheur qu’elle peut procurer aux autres, […] c’est souvent ayant le cœur déchiré
qu’il faut sourire à ceux qui nous aiment. Je puis dire que dans ma vie mon impression douloureuse n’est jamais échappée à mon cœur,
dans la solitude comme dans une fête. Mais moi seule je l’ai senti. Personne n’en a souffert, parce qu’il est pénible avec sa souffrance de
l’augmenter par celle qu’on doit donner. Tu as ton père, toute ta famille dont tu es, je puis dire, le soutien et tu ne peux pas répéter je
souffre »… Elle évoque sa « vie triste et calme […] J’ai les yeux si foibles que je ne puis guère m’occuper, je suis seule toute la journée et
l’on me lit. Le soir les personnes qui m’ont marqué beaucoup d’intérêt viennent un instant »… Elle a reçu une lettre de Mme Cam-
pan : « elle me dit que tu es raisonnable et cela me fait du bien »…
Voir la reproduction.
121.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. L.A.S. « Hortense », Aix[-les-Bains] 19 août [1813] ; 1 page in-8.
300/400
« Ma chère Eglé, je ne veux t’écrire qu’un mot, car malgré tout mon courage, j’ai le cœur bien ulcéré. Changer de place, quitter ce lieu, la
vie est une continuelle souffrance et comme tu le dis, Dieu seul peut nous donner le courage de la supporter. Je n’ai pu me guérir ici de ma
fèvre de nerfs. Je vais essayer encore d’un remède, les bains de mer. Je serai à St Leu à la fn du mois. J’irai te voir au Val. Je te ferai dire
le jour pour qu’Antoinette et ton père y soit. Je ne crains pas les impressions tristes et je serai heureuse au moins de vous retrouver toutes
deux, j’avois engagé Antoinette à venir aux bains de mer cela pourroit peut-être lui faire du bien […] Pour moi je n’ose guère en espérer ;
mais mes enfants ne pourront pas me reprocher de ne pas soigner pour eux une vie où j’ai reçu des coups bien cruels »…
122.
HORTENSE DE BEAUHARNAIS
. 3 L.A.S. « Hortense », Saint-Leu [fn août-début septembre 1813] ; 1 page in-8 chaque (2 avec
bordure dorée).
600/800
Mercredi
. « Je ne sais pourquoi, ma chère Eglé, mais je compte que tu viendras passer vendredi ou samedi avec moi, c’est sans doute le
désir que j’en ai depuis que vous êtes venues me voir. Je n’entends plus parler d’Antoinette ni de toi, tu es forcée d’aller dans le monde,
mais elle n’a rien à faire, et elle n’a pas besoin de s’occuper de moi, cependant mon cœur s’habitueroit bien à vous retrouver pour
consolation de celle que nous avons perdue »… –
Jeudi
. « Je suis bien aise que tu te reposes un peu et quand tu pourras venir ici cela
me fera plaisir. C’est un tems bien triste que celui-ci, l’on a besoin de se réunir quand on sent de même. J’attends que l’impératrice me
fasse dire quelque chose car le tems n’est plus très bon pour les courses de campagne. Mais il est encore agréable pour le triste calme
que l’on cherche dans la vie »… – « Ma chère Eglé, je parts dans l’instant pour aller dans ce grand monde dont j’attends si peu de
bienveillance et que je dois lui pardonner, par la peine que j’éprouve de m’y retrouver. J’en ai le cœur bien triste. À mon retour ici je
t’enverrai l’écritoire et tout ce qui vient de notre pauvre Adèle. Je n’ai voulu garder pour moi que ses deux livres de dessins et ses livres
de prières. Quand à son secrétaire, puisqu’il est chez toi, tu n’as besoin de personne pour l’ouvrir et tu me remettras mes lettres quand je
te verrai »...
Voir la reproduction.
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