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Pierre-Louis Moreau de MAUPERTUIS
(1698-1759) mathématicien, physicien, astronome, voyageur
et philosophe. L.A.S., Berlin 4 mars 1755, [à Mme Marie-Marthe Dupré de Saint-Maur] ; 1 page
in-4.
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Belle lettre sur la mort de Montesquieu (10 février 1755) [c’est à Mme Dupré de Saint-Maur et à la
duchesse d’Aiguillon que Montesquieu, mourant, confia ses manuscrits].
« J’ay appris Madame jusqu’ou vous avés poussé les devoirs de l’amitié pour l’homme illustre que nous venons
de perdre : vous merittiés de luy rendre tous ces devoirs, et il etoit digne de vivre et de mourir auprès de vous.
Si j’ay perdu l’un de ces avantages que j’ay tousjours partagé avec luy, permettés moy de m’affliger avec vous de
sa perte. Un des premiers etrangers proposés dans notre Academie [de Berlin] depuis que j’y preside fut M. le
presid. de Montesquieu : ce n’est point l’usage d’y faire l’eloge des Academiciens etrangers ; mais l’envie de
distinguer M. de Montesquieu de tous les autres, nous fera luy rendre ce dernier devoir, si nous pouvons avoir
des memoires suffisants. C’est à vous Madame que je prens la liberté de m’adresser pour cela, à vous qui l’avés
mieux connu que personne, qui avés eté la depositaire de ses ouvrages et de ses pensées, et qui nous rendrés
l’ouvrage si facile si vous voulés bien y mettre vous-même la main. Je vous supplie de nous accorder cette grace.
On louera partout M. de Montesquieu, mais nulle part on ne le louera avec la meme tendresse que chez nous.
C’etoit moy qui devois mourir. Et cependant malgré la plus violente rechutte que m’ont causé les froids de l’hiver
[…] je ne meurs point. Je crache toujours mon sang, et suis encor plus mal lorsque je ne le crache point. Je vivray
et mourray Madame dans le meme respect et le meme devouement pour vous »…