Page 262 - BAT-PBA-CATAL LIVRES-V28.indd

Version HTML de base

261
le journalisme, l’impossibilité de vivre de sa plume malgré son talent indéniable eurent raison de sa
motivation : “Cette vie précaire et toute faite d’engourdissement avait pu m’absorber pendant quelque
temps ; mais je sentais trop bien que je n’étais pas né pour cela. J’avais tout fait, tout employé pour m’en
tirer, pour m’éviter la fin que je m’étais moi-même proposée. Nul ne m’avait accueilli ; tout le monde
m’avait repoussé comme à l’envi”… Lacenaire est éprouvé par ces remémorations : “Ici un repos, une
halte ; je suis fatigué. Mes souvenirs sont lourds ; la société qui me les inspire me pèse ! (…) J’arrive à
la mort par une mauvaise route, j’y monte par un escalier… J’ai voulu dire
le pourquoi
de ce voyage,
de cette ascension mortuaire... Je le dis sans vergogne et sans peur, non pour le plaisir de me livrer en
impur enseignement, je le jure, mais pour jeter la lumière sur mon dernier recueillement”…
Il reprend ensuite le récit de ses différents larcins pour tenter de sortir de la misère, ses échecs lors de
ses premières tentatives d’assassinat, son nouvel emprisonnement en juillet 1833, son travail à sa sortie
en 1834 pour M. Vigouroux, rédacteur du journal
Bon Sens
… Ce dernier lui aura finalement fait
espérer de fausses promesses tout le temps de sa captivité car les articles que Lacenaire écrivit furent à
peine rémunérés : “ Mon parti fut bientôt pris, le lendemain, je volai”… Plus tard, le même témoigna
contre lui et tenta même de s’approprier la paternité de certains de ses textes de chansons : “Vous êtes
mon cauchemar, Monsieur Vigouroux. Le seul service que vous m’ayez rendu, c’est celui d’être en droit
de vous mépriser plus que moi”…
Il reprit le chemin du crime, commit diverses escroqueries et débuta son activité de faussaire,
notamment avec Jules Bâton, détenu rencontré à Poissy en 1829 : “j’enrageais de bon cœur d’en être
réduit à devoir me servir d’un semblable instrument, et j’attendais avec impatience qu’Avril vînt me
rejoindre”. Lacenaire considérait alors ce dernier comme l’homme dont il avait besoin pour mettre ses
projets à exécution et attendait avec impatience sa libération. Il mettait beaucoup d’espoir dans leur
collaboration qui se révéla décevante, Avril, très dépensier n’en faisant qu’à sa tête. Ils finiront tout
de même par entreprendre tous trois une escroquerie qui échouera : “Que j’ai souffert à cette époque
au milieu de ces êtres-là, voulant la fortune et ne sachant la conquérir par aucun sacrifice, par aucun
acte d’énergie ! Il fallait avoir le vertige, une idée aussi fixe que je l’avais pour y résister ; il fallait avoir
le dessin formellement arrêté d’un suicide. (…) Mes complices n’avaient qu’à se glisser derrière moi ;
mais je m’en moquais, j’étais las de vivre ; je ne voulais qu’une mort éclatante, et non un obscur suicide
qui n’aurait servi en rien à ma vengeance”… Il est également question de Jean-François Chardon,
également connu à Poissy, avec qui il était en froid (“des discussions d’intérêt avaient fait naître cette
haine”), mais que Bâton fréquentait… Il était question de le voler mais Lacenaire, ayant trop à perdre
à se retrouver devant la police, convint de le tuer avec Avril : “On sait le reste”. Le manuscrit s’arrête ici.
[Chardon et sa mère seront sauvagement tués et dépouillés en décembre 1934 par les deux complices.]
On joint l’édition du
Procès complet de Lacenaire
et de ses complices, imprimé sur les épreuves corrigées de
sa main
… (Paris, Bureau de l’Observateur des Tribunaux, 1836 ; remise en vente de l’éd. de 1835 avec
un nouveau titre ; brochure in-8 de 2 ff. n.ch.-168 p., 1 fac-similé ; couv. défraîchie, 2
e
plat manquant).
8 000 / 10 000
329
LACENAIRE (Pierre-François Gaillard, dit).
Mémoires, révélations et poésies.
Paris, chez les
marchands de nouveautés, 1836.
2 volumes in-8, demi-basane aubergine, dos lisses ornés or et à froid, tranches jaspées
(reliure de
l’ époque)
.
Rare édition originale. Elle est ornée en frontispice d’un célèbre portrait lithographié de l’auteur.
Mémoires posthumes du poète et assassin légendaire Pierre-François Lacenaire (1800 ?-1836), rédigés
par lui-même lors de sa détention à la Conciergerie. Celui qui annonce en préface avoir voulu, de son
vivant, faire de sa propre main l’autopsie et la dissection de son cerveau, livre au lecteur tous ses secrets
et ses pensées les plus intimes. Les éditeurs, par respect de la morale et par soumission aux autorités,
avouent cependant avoir été obligés d’y supprimer quelques passages.
Plaisant exemplaire en reliure de l’époque. Galeries de ver sur les mors.
(Le Clère, n° 547.- Bertier de Sauvigny et Fierro,
Bibliographie des mémoires sur la Restauration,
nº 572 :
“Ecrits durant ses derniers jours en prison avant son exécution, les mémoires de ce célèbre criminel
eurent un grand succès.”)
600 / 800
329