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[DREYFUS]. Edmond GAST (1857-1944) homme politique, cousin du colonel Picquart.
3 lettres autographes signées “Gast”,
Ville d’Avray et Paris juillet-août 1898, à sa “chère grande
amie” [Mlle Cabarrus] ; 9 pages et demie in-8.
Intéressante correspondance commentant les derniers rebondissements de l’Affaire
Dreyfus.
21 juillet
. Il est plein d’espoir : “La lumière et la vérité me paraissent arriver enfin à force d’être en
marche”. Le procès de Versailles a fini dans une bousculade : “Zola est parti et il a très bien fait de
partir : il reviendra à son heure et reprendra son affaire à son choix. Cela a été très habilement fait et
je crois que les adversaires enragent de ce bon tour. Tant mieux ! En résumé je suis assez content, je
crois que la marche va se précipiter, que les responsabilités vont s’établir qu’on le veuille ou non, et que
la justice devra faire son devoir. Tout cela, par la force des choses, car le gouvernement n’y met pas la
meilleure volonté”… Il s’inquiète du secret de leurs lettres : “tous les gens qui ne pensent pas comme
Esterhazy doivent craindre pour leur correspondance”…
18 août
. Il ne partage par les inquiétudes du courageux sénateur Trarieux à propos de Picquart : “Il
craint la suprême canaillerie du conseil de guerre après non-lieu en faveur de Leblois, et des démarches
très sérieuses ont été faites auprès du parti républicain pour empêcher une pareille abomination”…
Le ministère voudrait éviter de “remettre en discussion les agissements des nommés Du Paty et
Esterhazy et consorts”, et Picquart ne peut passer en conseil de guerre à huis clos sans que Leblois
bénéficie d’un non-lieu, “mais alors, il est difficile d’accuser le colonel d’avoir livré des documents à un
complice, lorsqu’il a été reconnu que ce complice ne les a pas reçus (…). La seule chose inquiétante c’est
que comme c’est Cavaignac qui a fait arrêter Picquart après sa courageuse lettre à Brisson, un non-lieu
à son avantage serait un sérieux camouflet sur la joie de ce ministère de la Guerre !”… Il analyse encore
la situation, en signalant des articles “lumineux” de Jaurès dans
La Petite République
, et d’autres de
Bernard Lazare dans
L’Aurore
“démontant la fausseté des accusations portées contre Picquart”…
29 août
. Il sort de la prison de la Santé où le colonel [Picquart] est en bon état, “son courage à la
hauteur de la situation. Tout au plus une pointe d’excitation à l’approche de la solution. Toute idée de
non-lieu en faveur de Leblois paraît abandonnée. C’était trop difficile de poursuivre l’un après avoir
absous l’autre. Donc pas de conseil de guerre – mais en revanche un effort énorme pour les charger tous
les deux devant la police correctionnelle. On veut arriver à établir qu’en communiquant les lettres de
Gonse à Leblois pour sa défense, Picquart a voulu trahir son pays, et c’est la loi de 1885 en main, loi sur
l’espionnage, qu’on veut les frapper. (…) Il reste à savoir si on trouvera un tribunal correctionnel pour
déclarer qu’en prenant Leblois pour confident le but de Picquart était de trahir son pays. Mais quelle
petite planche de salut que celle-là avec une magistrature servile comme la nôtre ! Il sera condamné ; ce
sera une victime de plus, jusqu’au grand jour de la vengeance, de l’éclatante vérité”…
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