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Dans la mêlée quelques uns sous pretexte de pain demandoient le crime. D’autres pressés par des
besoins réels demandoient du pain et un gouvernement constitutionnel. Aux premiers la justice doit
repondre par la mort. Aux autres l’humanité ne doit-elle pas tendre une main secourable. C’est contre
les premiers que devoit se diriger toute la sévérité du gouvernement. Il falloit aux seconds des paroles
de consolation et de paix. Ceux qui comme le tyran thermidorien pensent que la vertu est en minorité
sur la terre ne savent gouverner qu’avec les lois de Dracon. La chute du tyran doit assurer à ma patrie
l’empire de la justice, de la raison et surtout de cette douce fraternité, de cette morale républicaine qui
previent plus surement les crimes que la justice la plus active n’en punit.
J’ai parlé le 1
er
prairial après huit heures d’inertie et de silence au milieu de l’agitation et du désordre
et parce que je l’ai cru du devoir d’un representant. J’ai parlé après avoir demandé à chaque fois la
parole au Président. J’ai parlé parce que j’ai vu le danger de ma patrie, de la Représentation nat[ion]
ale de la liberté et de l’égalité que je chéris plus que la vie. J’ai parlé sans mystère, sans détour, sans
autre dessein que de servir la chose publique et la convention. J’ai parlé au milieu des outrages, des
menaces, dirigés contre moi dans la mêlée et par un dévouement que j’ai cru, que je crois encore
avoir été utile pour calmer l’agitation et le tumulte ; imposer silence aux malveillans qui vouloient
s’emparer des délibérations faire rentrer la consolation, l’espoir et la confiance dans une foule d’ames
ulcérées par le malheur et le besoin. Eteindre peu à peu le mouvement, empêcher que les méchans ne
le tournassent à leur profit. Faire évacuer par la confiance le lieu des séances. J’ai demandé ce que la
convention elle-même a decreté le matin : la convocation des Sections. Ce qui lui etoit demandé le
matin par la Section de Bon conseil : le pain et l’égalité, ce que la convention a décreté elle-même le
lendemain. J’ai demandé un recensement des subsistances par les comités civils de Section, avec des
formes conservatrices des propriétés. Cet objet faisoit depuis lontems la sollicitude de la convention, de
la France entière. Le Président lui-même l’a déclaré aux femmes qui tumultueusement ont demandé du
pain. J’ai fait mon devoir. Mon corps est à mes juges. Mon ame restera indépendante et mon dernier
soupir sera pour la République, pour ma patrie, pour les malheureux, pour ma femme infortunée, pour
ma vertueuse mère.
Je crois avoir servi ma patrie. J’ai souffert pour elle par deux mois de détention dans le Calvados
à l’epoque du 31 mai et je n’ai jamais recriminé contre cette injustice. J’ai servi la patrie dans mes
missions et notamment à l’époque de thermidor alors j’activois la fabrication de l’artillerie pour la
marine dans le département de la Dordogne”.
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