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QUI IL EST
Né le 24 mai 1899. Belge, de Paris. Aime les fugues. Matelot à 21 ans. Atlantique Nord
et Sud. Rapatrié malade.
Plus tard, voyages en Amazonie, en Equateur, aux Indes, en Chine.
Il est et se voudrait ailleurs, essentiellement ailleurs, autre.
Il l’imagine. Il faut bien qu’il l’imagine.
Ses livres :
Qui je fus, Ecuador, Un barbare en Asie, Plume, La nuit remue
l’ont fait
passer pour un poète.
Il peint depuis peu.
Le déplacement des activités créatrices est un des plus étranges voyages en soi qu’on
puisse faire.
Etrange décongestion, mise en sommeil d’une partie de soi, la parlante, l’écrivante
(partie, non, système de connection plutôt). On change de gare de triage, quand on se
met à peindre. La fabrique à mots, mots-pensés, mots-images, mots-émotions disparaît,
se noie vertigineusement et si simplement. Elle n’y est plus. Le bourgeonnement s’arrête.
Nuit. Mort locale. Plus d’envie, d’appétit parleur. La partie de la tête qui s’y trouvait
la plus intéressée, se refroidit. C’est une expérience surprenante.
Etrange émotion aussi quand on retrouve le monde par une autre fenêtre. Comme un
enfant il faut apprendre à marcher.
On ne sait rien.
Nouvelles difficultés. Nouvelles tentations.
Tout art a sa tentation propre, et ses cadeaux. Il n’y a qu’à laisser venir, laisser faire.
Michaux peint curieusement sur des fonds noirs, hermétiquement noirs. Le noir est sa
boule de cristal. Du noir seul il voit la vie sortir. Une vie toute inventée.
H. M.
Henri MICHAUX,
Peintures
, GLM, Paris, 1939.