84
Livres et Manuscrits
RTCURIAL
14 juin 2017 14h. Paris
André Malraux
et ses «Dyables»
Au moment où, à travers ces lignes
fluides, brisées, enlacées, on voit, ou
plus exactement on devine ou suppose
le chat, l’écureuil, l’araignée, le paon, il
s’est déjà esquivé, transformé en autre
chose. Il est devenu un dyable.
Ces esquisses sont davantage des
arabesques que des dessins, ce qui
ne les empêche pas d’être évocatrices
et d’une formidable force expressive.
Elles peuvent, selon le moment,
parfois légendées. Plutôt ponctuées
d’une phrase, ourlées d’une image,
par André Malraux lui-même. Ses
commentaires relèvent de l’humour,
de l’ironie, de la satire, de la raillerie
souvent. Certains sont franchement
hilarants tels le «dyable (volant) de la
respectabilité chez les cormorans» ou le
«dyable de la fidélité chez les phoques».
Curieux, étranges, intrigants, ces bouts
de phrases tiennent de la devinette
l’inspiration, l’élan, se rapprocher de
l’idéogramme ou de la calligraphie
arabe. Ou, de graphiques ou spirales
qu’elles sont, évoluer, se transformer,
puis se dissiper en fumées, suggérant
un univers essentiellement instable et
en constantes métamorphoses.
Vaticinations, explorations,
élucubrations nées d’un sourire, d’une
exaspération, d’un songe, d’un ennui
ou d’une souffrance, ces vignettes sont
spirituelle, si bien que de la promenade
constante entre figure fantasque et
légende fantaisiste vient moins éclairer
ou prolonger le croquis, qu’en obscurcir
encore le sens.
Marie-Josèphe Guers dir.,
L’Univers
farfelu d’André Malraux, 2009,
p. 6-7