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PROUDHON Pierre Joseph (1809-1865)
Écrivain et théoricien politique.
L.A.S. « P.-J. Proudhon », Bruxelles 9 décembre 1858, à son ami
Alexandre MASSOL ; 3 pages in-8, adresse.
Étonnante lettre misogyne, en réaction au pamphlet de Juliette
LAMESSINE [la future Juliette ADAM a bien écrit seule ses
Idées anti-
proudhoniennes sur l’amour, la femme et le mariage
, en réponse à
De la Justice dans la Révolution et dans l’Église
de Proudhon].
Il demande quel auteur se cache derrière le nom de Mlle Juliette
Lamessine, dont il a lu avec satisfaction le volume : « je serais heureux
de pouvoir dire que c’est là le dernier mot de l’École de Ménilmontant,
ou si vous aimez mieux, de son chef [ENFANTIN]. En même temps, j’ai
lu le livre de MICHELET,
l’Amour
, qui, sans me nommer une seule fois,
s’est approprié bon nombre de mes pensées et de mes expressions, et
a même écrit son livre en vue du mien : du moins, c’est ce qu’il me dit
lui-même dans la lettre qui accompagnait le volume. Tout cela m’a réjoui
le cœur, et je me suis applaudi une fois de plus, sinon du progrès de ma
propagande, du moins de mes succès d’agitateur intellectuel. Ainsi la
question est posée sur l’
amour
, la
Femme
et le
mariage
: et pour qu’elle
fût nettement posée, il a fallu que je m’en mêlasse. On verra bientôt qui
est dans le vrai : du libre-érotiste Enfantin, du juste-milieu Michelet, ou
de moi »... Il n’est pas dupe du changement de ton entre les « colères
féminines de Mme Juliette » et la partie dogmatique du livre, où le ou les
rédacteurs se mettent à « débiter une
doctrine d’école
, arrêtée de longue
main, et dans laquelle il n’y a d’original que quelques phrases empruntées
ou imitées de mon 3
e
volume ». Après avoir pensé à Lemonnier, il est
« porté à croire que cet auteur n’est autre que le père Enfantin ». Il ne
veut pas répondre coup pour coup, car il ne sait pas « donner la patte à
une dame. Car si elle me paraît un peu folle, elle est bien gentille, cette
Juliette ; elle m’a fait rire de moi de bon cœur ; par momens, j’aurais voulu
l’embrasser. Quel feu roulant de plaisanteries ! quelle fusillade ! [...] Je
lui pardonne, en faveur de l’esprit qu’elle a su mettre dans ses malices,
de m’avoir estropié, travesti, et pas compris du tout. Mais pourquoi
donc va-t-elle loger dans une si jolie petite tête comme la sienne tous
ces termes de philosophie dont elle affecte de se servir avec la même
facilité qu’elle ferait de son aiguille ». Elle est un exemple de plus « pour
démontrer qu’une femme ne fait que déraisonner dès qu’elle raisonne ».
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SÉGUR Philippe-Paul, comte de (1780-1873)
Général de cavalerie, aide de camp de Napoléon,
historien de la Grande Armée et mémorialiste
5 L.A.S. « le g
l
c
te
de Ségur » ou « Ségur », [années 1830 ou 1840],
à Emmanuel de LAS CASES fils ; 5 pages et demie in-8, adresses.
Mercredi matin.
Il le prie d’aller voir MARCHAND qui « est ici avec
le g
l
Brayer », 6 rue de Provence : « obtenez-en tous les détails pos-
sibles par écrit. Quand vous aurez eu ces détails sur S
te
Hélène, s’il
a fait la campagne de 1814 avec l’empereur je tâcherai de le voir
aussi. Mais j’aime mieux vous laisser faire tout seul d’abord parce
qu’il aura sans doute une confiance entière en vous. Connoissez-
vous la demeure des autres valets de chambre de l’empereur qui
peuvent être à Paris ? »…
Mardi matin [décembre 1841 ?]
. Remer-
ciements pour son livre [
Journal écrit à bord de la frégate « la Belle
Poule »
], et envoi d’un billet pour un procès devant la Cour des Pairs :
« au train dont s’en vont nos accusés il ne nous en restera bientost plus
à juger. […] Est-ce une amnistie déguisée ? Quel dénouement ! Je ne
sais s’il fera perdre quelque chose à la dignité de notre gouv
t
. Mais
ce qui est sûr c’est qu’il n’y ajoutera rien. Cela décide la question du
jug
t
par contumace »…
Jeudi 9 juillet
. « Mad. de Ségur est arrivée tout
exprès de Larivière pour vous demander de venir dîner chez elle avec
Pétros »…
Mardi
. Invitation à dîner « avec S
t
Aignan M
r
de Tourgueneff
et les Darragon »… – Mme de Ségur assure l’avoir invité à dîner, mais
« je crains ses distractions, parce que ce qu’elle a dans la tête et dans
le cœur elle croit toujours l’avoir sur la langue et au bout des doigts »…
200 - 300 €
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SUCHET Louis-Gabriel (1770-1826)
Maréchal, duc d’Albufera
L.A.S. « Louis », Saragosse 5 décembre 1809 au soir, à son frère Gabriel
SUCHET ; 4 pages in-4, en-tête manuscrit « Armée d’Espagne. 3
e
Corps »
(trous et galeries de vers).
Intéressant témoignage sur l’Espagne et les Espagnols, par le
général victorieux, gouverneur de l’Aragon.
Sa chère Honore [sa femme Honorine] part demain, et la séparation
l’afflige, mais s’impose : elle ramène son frère [François-Auguste Anthoine
de Saint-Joseph] « arraché à la plus désolante captivité », et elle porte
en elle le fruit de leur union. Il fait l’éloge des qualités de cet ange, puis
parle de la situation locale : « L’Empereur vient de nouveau de me faire
adresser des félicitations, […] S.M. est dans l’intention de me donner
des marques de sa bienveillance. […] Je continue à guerroyer, je suis
tous les jours aux prises, et dans chaque occasion j’ai grand soin de
faire connaître par des ordres du jour imprimés, la conduite de chacun,
cette mesure est indispensable pour entretenir l’émulation d’un corps,
chez qui tout était presqu’éteint ; heureusement que les choses ont bien
changé de fait, pour t’en faire juger je t’adresse copie de mon dernier
rapport à l’Empereur, je ne lui parle ni de mes operations m
es
ni de mes
mesures politiques, je me borne à entrer dans [des] détails qu’il aime
à connaitre et qui sont propres à lui plaire. Je ne te dirai qu’un mot sur
l’Espagne, il est urgent que l’empereur connoisse l’etat dans lequel se
trouve le royaume, car lui seul par son génie peut le tirer de la profonde
anarchie dans laquelle il est plongé, il faut tout reconstituer, et cepen-
dant il est également pressant de combattre et de prendre beaucoup
de places. Notre auguste Empereur s’est tiré avec autant de gloire que
d’avantage de la dernière lutte, elle était bien difficile sans doute : j’avoue,
que je la crois en dessous de celle qui lui reste à faire. Brûle ma lettre
après l’avoir lue et sois bien persuadé que de mon coté je suis décidé
à me roidir contre tous les obstacles, et à prouver à l’Empereur que j’ai
la volonté et la force de le seconder »… Il invite Gabriel à lire le récit
de la captivité d’Anthoine : il y découvrira « le peuple le plus crédule,
le plus exaspéré et le plus barbare. Il n’est sensible qu’à ce qui peut
regarder un Espagnol mais tout autre sentiment lui est étranger, quelle
distance il existe entre la France et la péninsule, tout ce que l’on peut
en dire est au dessous de la vérité. L’ignorance, la fureur et le désir de
la vengeance voila ce qui anime la presque totalité de la population.
L’emp. seul, je le répète, peut arracher ce beau pays, à tous les maux
qui le dévorent »…
250 - 300 €
280
THIERS Adolphe (1797-1877)
Homme d’État, historien, Président de la République
3 L.A.S. « A. Thiers », [1840], à Emmanuel de LAS CASES fils ;
1 page petit in-4 ou in-8 chaque, une adresse.
Mercredi 18 mars
. Il regrette d’avoir manqué sa visite. « Vous savez
quel plaisir, j’aurai toujours à vous entretenir »…
Lundi 6 avril
. « Je vou-
drais bien avoir une petite visite de vous, ce soir vers neuf heures »…
[2 décembre]
. « J’ai un immense désir d’entendre le récit de l’exhumation
[de Napoléon]. Contez-moi cela aujourd’hui même, ou en sortant, ou à
dîner, chez moi, ou le soir »…
150 - 200 €
Il veut savoir le fin mot de cette histoire et souhaitent que les coupables
se nomment, au lieu de se cacher « sous le voile de l’anonyme », alors
que « la police impériale n’interviendra pas. [...] L’opuscule signé de Mme
Juliette Lamessine sort manifestement du giron d’Enfantin. [...] C’est très
sérieusement que la société est en révolution ; et je n’admets pas qu’on
fasse de la pensée révolutionnaire une sorte de jeu à cache-cache »...
400 - 500 €
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Détail du lot 279