Lot n° 52

CÉLINE (Louis-Ferdinand) — Bagatelles pour un massacre.

Estimation : 1000 - 1200 €
Adjudication : 1 875 €
Description
Paris, Denoël, [28 déc. 1937]. In-8, maroquin janséniste bordeaux, dos à cinq nerfs portant le nom de l'auteur auteur, le titre de l'ouvrage et la date de l'édition poussés or ; encadrements intérieurs orné de filets dorés et à froid, doublures et gardes de papier, peigne tête dorée, non rogné, couverture imprimée (Bellevallée).
Édition originale du deuxième pamphlet de Céline. Dans ce texte d’une grande violence antisémite, Céline reproche aux Juifs de diriger de nombreux domaines en France et de pousser à la guerre pour tenter de dominer le monde ; il annonce ainsi le massacre prochain des Français qui ne réagissent pas et qui vont être envoyés au casse-pipe par le gouvernement.
C’est retiré au Havre, à l’Hotel Frascati, que Céline composa ce texte ; il le dédia à son ami l’écrivain Eugène Dabit, mort de la scarlatine en août 1936, après son voyage en Russie aux côtés d’André Gide.
Excessif, proche du délire, ce texte a été rédigé dans un esprit de vengeance après l’échec (relatif) de Mort à crédit, et le refus que Céline essuya pour monter des ballets à l’Exposition universelle de 1937 (gérée par les Juifs). Ces trois arguments de ballets ouvrent et ferment ce pamphlet : « La Naissance d'une fée », pp. 17-26, Voyou Paul, brave Virginie, pages 30-40 et Van Bagaden, pages 375-9.
S'il n'y eut pas de procès pour Bagatelles, l'auteur et l’éditeur décidèrent le 10 mai 1939 de retirer de la vente les exemplaires de Bagatelles pour un massacre et de L'École des cadavres, et ce pendant six mois à la suite du décret-loi Marchandeau visant à protéger les minorités ethniques, et qui interdisait tout propos discriminatoire, contre les habitants de France.
Puis Denoël réédita deux fois cet ouvrage pendant la guerre : il fut l’un des titres les plus vendus pendant l’Occupation. Le 5 janvier 1945, les trois pamphlets [Bagatelles, L’École et Les Beaux Draps] figurent dans une liste d'ouvrages à retirer de la vente établie par le Contrôle militaire des Informations (ministère de la Guerre). À son retour en France, Céline (qui en possédait, seul, le copyright) n'autorisa jamais leur réimpression ; son ayant droit a, depuis 1961, respecté sa décision (Bibliographie des écrits de L. F. Céline, n°37A1).
Par la suite, Céline et Lucie Destouches ont considéré que ce livre, enchaîné à des circonstances historiques, serait mal interprété s’il était réédité. C’est ainsi qu’en 1957, dans un entretien avec Albert Zbinden, Céline se défendit d'avoir adopté une idéologie aussi extrême : Albert Zbinden : Disons le mot, vous avez été antisémite. Céline : Exactement. Dans la mesure où je supposais que les sémites nous poussaient dans la guerre. Sans ça je n'ai évidemment rien - je ne me trouve nulle part en conflit avec les sémites ; il n'y a pas de raison. Mais autant qu'ils constituaient une secte, comme les Templiers, ou les Jansénistes, j'étais aussi formel que Louis XIV. Il avait des raisons pour révoquer l'édit de Nantes, et Louis XV pour chasser les Jésuites... Alors voilà, n'est-ce pas : je me suis pris pour Louis XV ou pour Louis XIV, c'est évidemment une erreur profonde. Alors que je n'avais qu'à rester ce que je suis et tout simplement me taire. Là j'ai péché par orgueil, je l'avoue, par vanité, par bêtise. Je n'avais qu'à me taire... Ce sont des problèmes qui me dépassaient beaucoup. Je suis né à l'époque où on parlait encore de l'affaire Dreyfus. Tout ça c'est une vraie bêtise dont je fais les frais.
Tirage sur grand papier limité à 573 exemplaires numérotés.
Un des 440 sur papier alfa, quatrième et dernier papier. Comme tous les exemplaires, il porte la date 1938 au dos (Tout Céline, 1979-1980, p. 18).
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