Lot n° 392

CÉLINE, Louis-Ferdinand — Réunion de 49 lettres autographes signées. — S. l., 1932-1937. — In-folio (32,8 x 24,7 cm), reliure souple de chagrin bleu nuit, auteur et titre dorés au centre du premier plat, dos lisse, chemise demi-chagrin,...

Estimation : 20 000 - 30 000 €
Adjudication : 17 000 €
Description
étui (Loutrel).
Important ensemble de 49 lettres autographes signées à Cillie Pam.

95 p. sur 51 ff. et 3 doubles ff. in-8 et in-12, à l’encre noire ou bleue, une au crayon, signées « Louis » sauf une signée « Louis D » et la dernière signée « L. Ferd. », sur divers papiers dont 12 à son adresse (98 rue Lepic), 4 sur des papiers de l’administration sanitaire de la ville de Clichy, 4 à l’en-tête du Pigall’s Tabac et 1 à en-tête du navire Polaris.
Le volume est également composé de 4 cartes-lettres autographes signées, 2 cartes postales autographes signées et 3 enveloppes avec adresses autographes.
La plupart des lettres ne sont pas datées.
La lettre datée du 30 septembre 1932 porte au verso du dernier feuillet quelques annotations, probablement de la main de Cillie.
Sont également reliés dans ce volume un napperon brodé (« Je vais vous envoyer une petite dentelle »), un radiogramme et une lettre dactylographiée de Ruth C. Allen.
Chaque lettre est montée sur onglets, protégée par une serpente.

Plusieurs lettres évoquent l’oeuvre littéraire de Céline.
Ainsi, dans une lettre de la fin du mois de septembre 1932, Céline annonce la parution imminente de Voyage au bout de la nuit : « Le livre va paraître le 5 octobre. Vous le recevrez, tout de suite. Ce n’est pas cela qui me nourrira non plus. » Le livre paraît finalement le 15 octobre 1932.

Le 6 décembre 1932, Céline évoque l’attribution du prix Goncourt. Voyage au bout de la nuit est le grand favori : « Je suis dans l’attente du Prix Goncourt, qui se décerne demain à midi. Vous avez sans doute entendu parler de cela. C’est en principe le meilleur roman de l’année. Je suis indifférent à cette gloire
mais j’aimerais bien le résultat financier, qui est très important et vous assure une fois pour toutes l’indépendance matérielle, mon rêve. »
Finalement, Céline rate de peu le prix Goncourt qui revient à Guy Mazeline.

Quelques jours après, le 10 décembre 1932, Céline relativise cet échec : « Le Prix Goncourt est raté. C’est une affaire entre éditeurs. Le livre cependant est un véritable triomphe » ; « Voici la vie qui passe et le Voyage se vend toujours énormément, plus de 100 000 actuellement ! » (9 mars 1933.)

En 1933-1934, Céline évoque les temps troublés et la montée du fascisme, « Les Juifs sont un peu menacés mais seulement très peu et je crois pas que cela devienne jamais grave » (fin novembre-début décembre 1933) ; « Enfin vous savez tout ce qui s’est passé à Paris. Nous voici aussi en route pour le fascisme… » (14 février 1934).

Dans ces lettres, c’est aussi l’obsession de Céline pour la sexualité qui se fait jour, opposant à l’expression des sentiments ce qui relève selon ses propres termes du domaine du « popo » : « Vous m’aimez bien mais je vous fâche. Je ne parle pas assez d’amour. “Parlez-moi d’amour !…” Je voudrais bien Cillie, mais je ne peux pas. Je ne parle jamais. Je n’ai jamais parlé de ces choses-là. Je parle de popo. Je comprends popo. Je mange popo. Je ne suis bon qu’à popo. Je suis bien content par exemple de vous revoir en Novembre. Quelle séance de popo je vais vous donner ! » (3 octobre 1932.)
Ainsi, il se remémore avec délectation le « popo » de Cillie : « Vous voici à Vienne au milieu des popos. Mon rêve. J’ai bien reçu votre lettre du train. Vous avez été tout à fait délicieuse avec moi et je suis bien content que vous vous soyez un peu amusée en ma compagnie. Vous possédez mille charmes et qualités en plus d’un superbe et inoubliable “Popo”. » (25 septembre 1932.)
Céline laisse libre cours à ses fantasmes, il demande à Cillie de lui raconter « tout ce qui se passe, dans la vie, et entre les jambes » (fin septembre 1932) et, évoquant Elsa qui partage avec Cillie la direction du cours de gymnastique à Vienne : « Cette Elsa m’excite, j’ai beau me défendre. Toutes ces perversités me charment. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre nous couchions tous ensemble. » (15 octobre 1932.)

Exceptionnelle correspondance à son amie et maîtresse, Cillie Pam.
Céline avait fait sa connaissance à Paris, en septembre 1932. Autrichienne, d’origine juive, elle est alors professeur de gymnastique à Vienne. Céline passe une quinzaine de jours avec elle, avant que la jeune femme ne rejoigne son pays.
Ces lettres « datent d’un moment crucial dans la vie et dans la carrière de l’écrivain. Les années 1930 sont à la fois celles de ses premiers chefs-d’oeuvre romanesques et des inquiétudes devant l’évolution historique de l’Europe qui le conduiront à ses dérives pamphlétaires. Ces lettres adressées à une femme avec laquelle Céline entretient une relation amicale d’aîné à cadette et qu’il informe à la fois de son travail et de ses préoccupations ont donc valeur de témoignage sur plusieurs aspects de sa personnalité, à ce moment de sa vie. Elles sont à compter, parmi celles qui constituent sa correspondance, au nombre des plus significatives. » (Henri
Godard. Propos recueillis à l’occasion de la vente Beaussant Lefèvre du 8 novembre 2005, Paris, Hôtel Drouot.)

─ PROVENANCE :
- Vente Paris, Beaussant Lefèvre, 8 novembre 2005, lots 9 à 46.

─ BIBLIOGRAPHIE :
Céline. Lettres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 316-529.

Quelques rousseurs et taches, traces de pliures.
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