Lot n° 105

CHARDONNE (Jacques). Le Ciel de Nieflheim. S. l.  : édité par l’auteur, 1943. — In-12, 189 x 120 : 206 pp. , (1 f. ), couverture muette.

Estimation : 600 / 800
Adjudication : Invendu
Description
Broché.

Édition originale rarissime de ce roman pro-allemand de Jacques Chardonne, qui ne fut jamais publié du vivant de l’auteur et qui n’existe qu’à l’état d’épreuves sous couverture muette tirées à seulement une centaine d’exemplaires pour quelques intimes.

Francis Bergeron explique parfaitement la genèse de cet ouvrage :
« en mars 1943, le fils de Chardonne, Gérard (Gérard Boutelleau – puisque c’est le vrai nom de la famille) est arrêté, et déporté dans un camp.
Son père fait tout pour obtenir sa libération, bien entendu. Mais il se heurte à un mur. Or à ce moment précis, Le Ciel de Nieflheim est sur le point de paraitre. Ce livre de réflexion et de méditation développe une thèse qui fait la part belle à l’amitié franco-allemande. On y trouve des formules philo-germaniques comme celles-là : « le national-socialisme a créé un monde neuf autour de la personne humaine » (p. 18), « la révolution allemande fut conforme à la tradition germanique et féodale. Sans rien détruire de précieux, avec le minimum de victimes, elle innova. Socialiste, c’est-à-dire paternelle, elle créa des institutions admirables » (p. 49).
Ou encore :
« les SS usent convenablement de leur pouvoir absolu et la population ne s’en plaint pas » (p. 175). Tout cela est sans doute assez vrai à l’époque où Chardonne l’écrit. L’arrestation de son fils va enlever à Chardonne toute sa bonne volonté à l’égard de l’Allemagne « Cette déception ne change pas mes idées. C’est là une déception sur les hommes qui, sans modifier ma conviction, modifiera désormais mes actes.  » Il demande que Le Ciel de Nieflheim ne soit pas publié, que l’article qu’il avait donné pour Deutschland-Frankreich ne paraisse pas, qu’il soit retiré de l’Association des écrivains européens. « Je me retire de tout », conclut-il (…) Si Le Ciel de Nieflheim n’a pas été publié, c’est donc d’abord parce que Chardonne en veut à l’occupant, pour le sort réservé à son fils. Il décide de boycotter ses propres écrits pro-allemands.
Mais le lieutenant Gerhard Heller, qui a en charge le contrôle de la production culturelle française, a conseillé lui aussi – et pour d’autres raisons - à Chardonne de ne pas publier ce livre. Pour Heller, les jeux sont faits, l’Allemagne devrait perdre la guerre, et il n’est pas souhaitable que Chardonne se compromette avec un tel livre. (Francis Bergeron, Chardonne et son Ciel de Nieflheim : itinéraire d’un manuscrit).

L’ouvrage ne sera publié et mis dans le commerce qu’en 1991.

Exemplaire tel que paru, portant bien sur la couverture le cachet « Épreuves ».

Il s’agit très certainement d’un exemplaire issu des premiers tirages car il comporte une particularité non mentionnée dans les descriptions que l’on a trouvées.

Il manque effectivement le cahier 3 correspondant aux pages 33 à 48 ; il a été remplacé durant le brochage par un double du cahier 4 mais avec les pages placées dans le désordre, c’est-à-dire : 55, 56, 53, 54, 51, 52, 49, 50, 63, 64, 61, 62, 59, 60, 57 et 58.

Deux déchirures sans manque au dos, sinon exemplaire très bien conservé.
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