Lot n° 642

[MONET CLAUDE]. DURAND-RUEL PAUL (1831 - 1922) - 10 L.A.S., Paris et New York janvier-septembre 1887, à Claude MONET ; 21 pages in-8.

Estimation : 5 000 - 6 000 €
Adjudication : 6 500 €
Description
► Intéressantes lettres du célèbre marchand de tableaux sur ses confrères et rivaux, et sur sa seconde exposition américaine.

─ 5 janvier:
«je comprends que la neige vous retienne puisque vous avez plusieurs toiles avec cet effet que vous désirez finir». Il n'a montré les tableaux venant de Grenoble à personne «pour ne pas les user. Je sais trop bien que les tableaux vus sont ensuite difficiles à vendre»...

─ * 12 janvier,
il est sans le sou : «Robertson auquel je m'étais adressé pour avoir son appui auprès de la maison de New York m'a parfaitement déclaré que tous les marchands et Petit en particulier faisaient des gorges chaudes de vous et de vos tableaux. C'est un système pour dégoûter tous ceux que je cherche à convaincre»...

─ * 13 janvier,
il reçoit de bonnes nouvelles d'Amérique.

─ * 14 janvier,
envoi de 500 F.

─ * 21 janvier,
il va recevoir une grosse somme d'Amérique, avec de bonnes nouvelles : «Nous commençons à avoir raison des mille difficultés qui m'ont été créées par les frères et amis là-bas comme ici»...

─ 13 février,
il paiera la facture de Troisgros.
«Quant à mon désir de continuer nos bonnes relations et de vous acheter vos tableaux comme par le passé, n'en doutez pas. Je crois que vous me connaissez assez pour savoir que je n'abandonne pas mes amis comme le font tant d'autres. Plus on me fait la guerre à votre sujet et plus je m'attache à vous défendre»...

─ * 26 février,
il confie qu'il a sous-loué la rue de la Paix :
«Outre la dépense j'étais dégoûté de l'étalage des tableaux qui ne fait que nuire aux bonnes choses. Je vais reprendre mes galeries de la rue Laffitte et je tâcherai d'y être utile aux peintres plus que dans mon magasin». Il partira samedi pour New York s'il a assez d'argent...

─ New York 15 avril,
sur les manoeuvres des marchands, «furieux de me voir apporter des œuvres nouvelles [...] Je continue ma campagne en votre faveur et pour nos autres amis et tous les jours j'obtiens quelques nouveaux adhérents mais ce sont des difficultés inouïes rien que pour pouvoir montrer mes tableaux»...

─ New York 26 mai.
Il se réjouit du succès de Monet à la 6e Exposition Internationale (chez Petit) :
«Je n'en doutais pas d'ailleurs et les amateurs qui sont tous des moutons de Panurge finiront tous par admirer vos oeuvres après les avoir tant conspuées. S'il faut si longtemps pour faire accepter les meilleures oeuvres d'art, c'est surtout la faute des marchands qui sont ou ânes ou méchants et la plupart du temps les deux à la fois. Ils ont malheureusement une grande influence auprès du public surtout quand ils sont riches et on les croit connaisseurs parce qu'ils ont gagné de l'argent. C'est bien le contraire, car tous ces gens-là ont gagné leur fortune en vendant des tableaux ou faux ou mauvais. J'ai suivi le chemin opposé ; je n'ai pas voulu participer à ces infâmies. J'ai cru que mon devoir était d'instruire les amateurs et d'aider les artistes et je suis devenu la bête noire des marchands». Ils lui ont fait une guerre terrible, comme Petit ou Boussod: «Maintenant que j'ai préparé le terrain, il arrive pour récolter».
Son exposition, retardée par les marchands, s'est enfin ouverte : «Mes tableaux remplissent toutes les salles de l'académie et jamais on n'a eu dans ce pays une telle réunion de belles oeuvres. Dans une des galeries j'ai placé exclusivement vos œuvres, celles de Pissarro, de Renoir, de Sisley et de Puvis de Chavannes dont j'ai 10 tableaux. C'est d'un effet délicieux. C'est la 1ère fois que l'on voit des Chavannes et ils sont bien mieux compris qu'en France.
[...] Le succès viendra à coup sûr mais pourrai-je en jouir moi-même. Ceux au moins pour lesquels je me suis dévoué en profiteront; ils ne sauront jamais ce que cela m'aura coûté d'argent, de peines et d'angoisses»...

─ Paris 14 septembre.
Il est rentré depuis deux mois d'Amérique, est allé dans le Midi, en Hollande, et est pris par les travaux de la rue Laffitte où il se réinstalle.
«J'ai su avec grande satisfaction que vous continuez à avoir beaucoup de succès. Je voudrais pouvoir vous en dire autant pour moi, mais ce n'est pas le cas et je suis revenu de mon voyage tout à fait démonté. C'est réellement désolant de se donner tant de mal pour tâcher de bien faire et de rendre service à toute une série d'artistes méritants et de rencontrer une malveillance systématique qui entrave tout»... Il ira le voir à Giverny...

▬ On joint :
• une L.A.S. de son fils Charles DURAND-RUEL (1865-1892),
8 décembre 1887 (2 pages in-4 à en-tête des Galeries Franco-Américaines, 16 Rue Laffitte),
à Monet, pour l'inciter à faire dans leur galerie une belle exposition de groupe avec Renoir, Pissarro et Sisley, en même temps que leur père les fait connaître à New York.

▬ Archives Claude Monet (Artcurial, 13 décembre 2006, n° 70).
Partager