Lot n° 628

MANET ÉDOUARD (1832 - 1883) - L.A.S. «Edouard M», [Le Havre] Vendredi [8 décembre 1848], à SA MÈRE ; 3 pages in-8, adresse (petite déchirure par bris de cachet sans toucher le texte).

Estimation : 4 000 - 5 000 €
Adjudication : 4 940 €
Description
Belle et longue lettre, écrite à l'âge de seize ans, alors qu'il s'embarque pour le Brésil sur le vaisseau-école Hanovre et Guadeloupe.

[«Le long voyage qu'il fit du Havre à Rio de Janeiro ne fut pas sans influence sur la formation de son génie et devait lui inspirer plus tard des marines qui sont parmi les plus belles de son temps» (G. Huisman).]

«Chère Maman,
Je viens te dire un dernier adieu, nous partons définitivement demain à neuf heures, nous avons ce soir préparé toutes nos voiles, fait nos derniers préparatifs, il ne nous manque plus que nos moutons et nos cochons que nous devons prendre au moment de partir.
Papa doit venir me faire ses adieux demain à bord. J'ai été bien heureux de l'avoir jusqu'à mon départ, il a été si bon pour moi pendant tout notre séjour.
Nous avons un temps magnifique pour notre départ de demain. La mer promet d'être très belle. Nous sommes tous enchantés de partir quoique nous soyons ici on ne peut mieux sous tous les rapports, car nous avons pour nous servir quatre pauvres petits mousses et deux novices que l'on mène à coups de pieds dans le derrière et à coups de poings, cela les rend diablement obéissants je t'assure, notre maître d'hôtel qui est nègre comme je te l'ai dit et qui est chargé de leur éducation leur flanque de fameuses roulées quand ils ne vont pas bien, quand à nous nous n'usons du droit qui nous est acquis de les frapper, nous gardons cela pour les grandes occasions.
Notre chirurgien s'est embarqué aujourd'hui, il a l'air d'un gros brave homme.
Adieu donc chère petite maman, je t'embrasse bien tendrement ainsi que mes frères Edmond etc. et grand mère si elle est encore à Paris. [...]
Nous embarquons une yole charmante pour pouvoir faire des promenades dans la rade de Rio-Janeiro. Je te le répète, je regrette que tu n'aies pas vu notre navire il est charmant, c'est un des plus jolis et des plus fins du Havre. On a tenu plus qu'on avait promis, on ne pouvait rien davantage, on a aussi emporté des hameçons, des lignes pour nous faire pêcher des requins etc. et les officiers quoique sévères sont très bons enfants; nous avons du reste à nous bien conduire car nous sommes soumis au même système pénitentiaire que les matelots, ceux qui feraient quelques bêtises seraient immédiatement mis aux fers; on y regarde à deux fois tu peux le croire.
Adieu encore une fois.
Ton fils respectueux
Edouard M».
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