Lot n° 307

François MAURIAC (1885-1970). 22 L.A.S. et 1 L.S., 1917-1965, à Henry de MONTHERLANT ; 33 pages formats divers.

Estimation : 2 000 / 2 500 €
Adjudication : 3 000 €
Description
► MAGNIFIQUE CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE, QUI EST AUSSI L’HISTOIRE D’UNE AMITIÉ FERVENTE TRAVERSÉE DE BROUILLES.

─ Paris 27 décembre 1917,
après la lecture d’un manuscrit : « À moi qui ne suis plus très capable de m’émouvoir avec de la littérature vous avez donné une émotion – la même que j’eus à votre âge en lisant, pour la première fois, les Illuminations de Rimbaud. Et puisque vous me connaissez, vous savez de quel cœur préparé j’ai dû accueillir votre symphonie sur le collège, sur la douzième année – et quelle route se frayent à travers ce cœur, les voix d’enfants »…

─ Malagar 12 septembre 1918.
Belle et longue lettre d’admiration après la lecture de ses proses : « j’avais cette certitude que votre royauté ne pouvait être éphémère… Oui les dieux me retiennent par les épaules : ces dieux, ces justes dieux… et vous savez que leurs bien-aimés s’appelaient Priam, Œdipe, Prométhée, tous les suppliciés, tous les suppliants… […] Ne croyez pas que j’aie choisi ma destinée et n’admirez pas ma fortune… […] Je sens en vous une inquiétude… Je la connais, je vous reconnais. […] Je n’ose plus vous dire mon espérance anxieuse de vous voir renaître une seconde fois après cette grande tempête. Vous vous préparez Monsieur à une œuvre qui dépassera de beaucoup les nôtres. […] Neuf encore au monde et passé presque du collège à la bataille, peut-être aurez-vous ce dernier courage, de ne pas maquiller votre effrayant héros »…

─ En janvier 1919,
il lui suggère d’envoyer ses manuscrits à André Germain aux Écrits nouveaux plutôt qu’à la NRF « qui ne reparaîtra de longtemps »…

─ Saint-Symphorien 16 août 1919.
« J’avais lu déjà et relu votre étrange et inquiétant dialogue : oui, il y a du nouveau et qui est ce sentiment d’une présence mystérieuse et adorable dans l’enfant avant que la puberté l’ait abêti. Ce respect, cette inquiétude en face du garçon de douze ans »…

─ 26 septembre 1920,
sur La Relève du matin : « vous avez ouvert des yeux nouveaux sur cet abîme de l’enfance et ce que vous avez dit nul avant vous n’y avait songé. C’est un livre de début comme je n’en avais ouvert aucun depuis qu’il m’est donné d’en lire : j’aime qu’il soit si imparfait, qu’il roule dans son flot tant de galets et de sables : c’est le signe d’une richesse, d’une surabondance qu’il ne vous reste plus que d’ordonner »…

─ 16 octobre 1920,
commentant ses pages sur la boxe : « votre article ressemble à votre visage, il est ardent, il est creusé de passion, d’une véhémence douloureuse. Que vous avez de talent, mon cher ami ! Mais que vous m’inquièteriez si je vous aimais ! »…

─ 13 février 1922.
Il a reçu la nouvelle édition de La Relève du matin, à laquelle il lui conseille de ne plus toucher…
En novembre, ayant lu des fragments du Songe : « c’est très beau – et d’une beauté “active”. Je veux dire qu’on ne lui résiste pas – qu’on est pris »…

─ 13 novembre 1922, sur la mort de Prinet (dans Le Songe), « sans conteste ce qui a été écrit de plus beau sur la guerre »...

─ 9 décembre 1923,
compliment pour son hommage à BARRÈS…

─ [9 février 1924], rappelant son amitié loyale et fidèle pour Montherlant depuis ses débuts qu’il a aidés, et réagissant à un article de Guenne sur Montherlant : « Certes j’ai le sens du péché (et c’est entre mille autres, une de nos différences) mais “le goût du péché”, c’est tout de même autre chose ! […] Je voudrais être assuré que vous n’êtes pour rien dans ce coup de pied sournois (car c’est ce “goût du péché” qu’on me colle au dos à l’Académie et partout où il y a des gens qui ont peur que j’aie le prix du Roman »…

─ [Début 1938].
« Je ne suis pas si éloigné de vous que vous l’imaginez : ce n’est pas la vraie croix que ce siècle de fer détruit, mais un simulacre – le simulacre qui nous sépare. Vous haïssez une caricature. Et lorsque le signe du Fils de l’Homme apparaîtra nous nous réconcilierons en lui. Less siècles de fer font des martyrs »…

─ 25 avril [1938].
« Notre tentative de fraternité a bien mauvaise presse » et il regrette : « J’ai eu de grands torts envers vous. Je me suis laissé aller un jour à l’irritation que m’avait causée votre Costa. J’ai été blessant et l’ai été en public, ce qui est impardonnable. Mais vous me pardonnerez. Vous êtes ce soldat que j’ai vu entrer un jour, Rue de la Pompe et qui m’a laissé le manuscrit de la Relève du matin, et je n’oublierai jamais cette merveilleuse sensation de génie : le “don” à l’état pur – et appliqué à fixer l’indicible, ce mystère, ce secret de l’enfant qui se fait homme… Dès ce jour-là je vous ai admiré – et aimé »…

─ Paris 5 mars 1940,
sur leur brouille : « le soit est celui qui insulte, avant d’essayer de comprendre. Je vous avais écrit le premier, tendu la main, sans arrière-pensée et de tout cœur. […] Ne vous étonnez pas désormais si je ne vous traite plus comme un ami »…

─ Malagar 14 mai 1941. « Comment pouvez-vous douter de mon affection pour vous ? […] La France, pour moi, c’est un certain nombre d’hommes dont vous êtes. Je me suis battu contre ce qui en vous s’oppose furieusement, à ce qui demeure mon unique espoir. Vous savez bien que nos vies sont des fleuves parallèles qui par mille courants souterrains se rejoignent. Je vous connais. Je vous lis comme personne, il me semble, ne peut vous lire. Pas une ligne de vous qui ne me fasse du mal. […] Je ne puis quitter Malagar occupé. […] Quant à nos griefs…. le grrrand romancier catholique est si heureux de pouvoir vous dire qu’il vous a toujours aimé »…

─ 14 novembre 1962,
sur La Ville dont le prince est un enfant ; il invite à relire cinq pages de La Fin de la nuit : « vous comprendrez pourquoi je puis entrer dans ce mystère douloureux… Ce qui est raconté dans ces cinq pages, je ne me le suis jamais pardonné »…

─ 2 septembre 1965 :
« Et moi je suis touché de ce que vous avez été touché […] Oui, il faudra se prendre la main, quand nous nous reverrons. J’aurai 80 ans le 11 octobre. […] Il est temps à cet âge-là de voir les êtres tels qu’ils sont par-delà toutes nos interprétations… »…

▬ ON JOINT :
• 4 BROUILLONS AUTOGRAPHES DE RÉPONSES DE MONTHERLANT, notamment sur leur brouille et sur Port-Royal (1924-1941).
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